Esprits frappeurs : Les fantômes de Belfast, de Stuart Neville
Je ne serais sans doute pas allé de moi-même vers ces Fantômes de Belfast, n’eut été l’enthousiasme des amis Jean-Marc et Christophe et une critique propre à éveiller la curiosité sur K-Libre. Bref, j’ai fini par me dire que cette belle unanimité valait bien que je fasse un détour par Belfast, avec la crainte toutefois d’être un peu déçu, comme on peut l’être quand on a eu le temps d'anticiper le plaisir que l’on pourrait éprouver à une lecture ou à un film dont a trop entendu dire de bien.
L’action donc, se déroule à Belfast de nos jours. Gerry Fegan, ancien tueur de l’IRA est littéralement harcelé par les fantômes de ses victimes. Douze spectres qui ne le laissent plus en paix et attendent d’être vengés. Le remède à cette culpabilité envahissante va finir par s’imposer à Gerry : il doit maintenant exécuter ceux qui sont responsables de la mort de ces douze personnes, ceux qui ont commandité ces meurtres où les ont facilités. Mais les choses ne sont pas si simples : le processus de paix, bien que fragile et bancal, a fait son œuvre et la plupart de ces hommes qui n’ont pas voulu se salir les mains et ont confié les sales besognes à Gerry sont aujourd’hui bien placés. L’opiniâtre recherche de rédemption de Gerry Fegan finit donc par inquiéter autant ses anciens chefs que les autorités britanniques qui veulent à tout pris éviter que l’assemblée irlandaise s’effondre à nouveau à cause des fantômes du passé.
Premier roman, Les fantômes de Belfast est effectivement un livre réussi. Stuart Neville sait créer une ambiance, flirte intelligemment avec les frontières du fantastique, nous sert sous une écriture et une structure relativement classiques une histoire originale, et pose un regard sévère sur la nouvelle Irlande du Nord qui n’en a, malgré les apparences, pas encore fini avec son passé. Gerry Fegan est par ailleurs un personnage attachant dont la culpabilité, moteur de ses actes, éclaire en contrepoint le cynisme de ses anciens compagnons ou de ceux qui ont tenté de les manipuler, et le sadisme à l’œuvre dans toute organisation terroriste.
Les chapitres finaux, cèdent peut-être un peu trop à la mode, au poncif de la poursuite et de la fusillade cathartique et des dialogues démonstratifs ; en brisant quelque peu l’ambiance sombre et pesante mise patiemment en place par l’auteur depuis le début, ils empêchent peut-être Les fantômes de Belfast d’être un grand livre. Il s’agit toutefois, c’est certain, d’un roman très plaisant et prometteur. L’Irlande, une fois de plus, à trouvé une belle plume, et l’on attend déjà avec impatience d’avoir de nouveau l’occasion de s’y frotter.
Stuart Neville, Les fantômes de Belfast, Rivages/Thriller, 2011. Traduit par Fabienne Duvigneau.
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