Big bang : Moi, Fatty de Jerry Stahl
Né au Kansas en 1887, Roscoe Arbuckle est élevé par un père alcoolique et violent. C’est en cherchant a échapper à ce dernier qu’il finit par rencontrer le monde du théâtre qui l’amènera au cinéma, nouvel art alors bien décrié.
Sous le sobriquet de « Fatty » - il mesure 1 mètre 65 pour 120 kilos – il devient la première grande star du muet et participera à l’ascension de Charlie Chaplin et Buster Keaton. Dans les débuts d’Hollywood, alors tenu par les premiers nababs du cinéma et en particulier Adolph Zukor, Fatty est le premier acteur à gagner un million de dollars par an. Plus dure sera la chute. Alcoolique depuis la pré-adolescence et héroïnomane suite à la prescription d’un docteur incompétent à une époque où les mères de famille craignent plus l’aspirine que l’héroïne distribuée par les laboratoires Bayer pour calmer la toux ( !!!), Fatty se trouve accusé à tort du viol et du meurtre d’une jeune starlette. Alors que le Volstead Act instaurant la prohibition est entré depuis peu en application et que l’Amérique sombre dans le puritanisme le plus obtus, les frasques supposées d’Arbuckle entraînent sa chute inéluctable et manquent par la même occasion de couler les studios de cinéma de Los Angeles qui le lâchent et le bannissent.
Dans cette biographie aux sources sombres (l’auteur dit s’appuyer sur un manuscrit dont il dit que sa manière de voir le jour « restera à tout jamais voilée d’ombre »), Jerry Stahl (À poil en civil chez le même éditeur) emprunte la voix de Roscoe Arbuckle pour conter sa vie.
Stahl présente Fatty comme un personnage handicapé par sa naïveté et son manque de confiance en lui (« La seule chose chez moi qui soit plus lente que mon cerveau, c’est mon système digestif. Et généralement, dans un cas comme dans l’autre, ça finit en tas de bouse »), et montre comment ces traits de caractère, ajoutés à l’alcool et à la rapacité des studios, ont fait de sa vie un véritable roman noir.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Alcool, drogue, meurtre, starlettes et argent, tous les ingrédients sont réunis et Jerry Stahl les cuisine à merveille pour nous entraîner avec lui dans la vie de ce personnage hors du commun, ou peut-être trop commun, qu’il nous fait découvrir ou, pour les cinéphiles, redécouvrir.
Jerry Stahl, Moi, Fatty, Rivages/Thriller, 2007. Traduit par Thierry Marignac.
Du même auteur sur ce blog : À poil en civil ; Perv, une histoire d'amour ; Anesthésie générale ; Thérapie de choc pour bébé mutant ;