L’Ange rouge, de François Médéline
Lyon, dimanche des Rameaux 1998, un groupe marche le long de la Saône. Ces gens suivent un radeau qu’entraine le courant avec dessus un cadavre crucifié et émasculé sur lequel on a peint une orchidée. Chargés de l’enquête, le commandant Alain Dubak et son groupe de policiers efficaces mais tous, d’une manière ou d’une autre, marginaux, se lancent sur la piste du tueur. Milieux artistiques, extrême-droite et extrême-gauche locales, familles plus que dysfonctionnelles, les flics de la brigade criminelle, sous la pression de leur hiérarchie, vont écumer de drôles de lieux, au risque de s’y perdre.
Après le très dense et politique La politique du tumulte, le plutôt cryptique Les rêves de guerre, et le très amusant Tuer Jupiter, François Médéline confirme qu’il est l’auteur de livres avec de très chouettes couvertures. Mais pas seulement. Un roman après l’autre, il construit une œuvre cohérente, faite d’interrogations sur la manière dont la politique n’est menée que par des hommes comme les autres qui n’ont de plus que de pouvoir s’appuyer sur une communication qui parfois leur échappe. C’est peut-être même, d’ailleurs, cette question du contrôle – de l’information, des autres, de soi – qui est au cœur des romans de Médéline. Et L’Ange rouge n’échappe pas à la règle quand bien même l’auteur choisit ici de coller aux motifs d’un genre particulier ; le polar en l’occurrence, quelque part entre le procédural et le thriller.
On est en effet clairement ici dans ce qui est assumé comme le début d’une série qui va chercher du côté des classiques du genre, à commencer par celle que met en scène Fred Vargas. Avec bien entendu la patte de Médéline, faite de provocation, d’un style reconnaissable – on en reparlera – et de personnages marquants.
Plus que l’intrigue, alambiquée comme il se doit, faite d’impasses, de fausses pistes et de criminels aussi retors que les flics à leurs trousses, c’est en effet bel et bien les personnages qui font l’intérêt de L’Ange rouge. À commencer par le duo que forment un Dubak torturé, en quête de lui-même et accro au Gini, et son adjointe, Mamy, faussement monolithique, qui passe son temps à se goinfrer de sucreries. On retrouve donc par ailleurs le style de Médéline, fait de phrases courtes et percutantes, qui l’amènent parfois sur le fil. François Médéline a régulièrement été comparé à Ellroy. C’est sans doute flatteur mais c’est aussi une malédiction. Parce qu’alors, parfois, l’ombre de l’Américain devient écrasante et l’on se prend à être agacé par une page qui ressemble à une imitation.
Ce que l’on retiendra donc de L’Ange rouge, c’est l’ambiance pesante qui accompagne la traque menée par Dubak, cette course à perdre haleine dans une Lyon bien sombre et donc, en fin de compte, un polar indéniablement efficace.
François Médéline, L’Ange rouge, La Manufacture de Livres, 2020. 507 p.
Du même auteur sur ce blog : La politique du tumulte ; Les rêves de guerre ; Tuer Jupiter ; La sacrifiée du Vercors ;