La sacrifiée du Vercors, de François Médéline

Publié le par Yan

En ce 10 septembre 1944 caniculaire, le commissaire Georges Duroy a fait la route jusque dans le Vercors où, au nom du délégué général à l’épuration, il doit venir récupérer Sarah Ehrlich, dite La Baronne, pour la transférer à Lyon. Mission de routine. Un programme vite remis en question lorsqu’il arrive à Saint-Martin-en-Vercors. En effet, ce matin-là, le corps de Marie Valette a été retrouvé dans une clairière. La jeune institutrice de 24 ans a été violée et tondue avant d’être assassinée. Elle n’a pourtant, a priori, rien de ces femmes qui subissent alors les violences d’une épuration sauvage et qui peut l’être d’autant plus que le Vercors a, les mois précédents, payé un lourd tribut pour sa libération. Fille d’une famille de résistants, fiancée à un maquisard, Marie Valette a-t-elle été victime d’un crime sexuel ou d’une vengeance ? Aux côtés de Judith Ashton, photojournaliste américaine au service du magazine Life, Georges Duroy, durant cette longue journée, va remuer les secrets qui se dissimulent sous le vernis fragile de l’Histoire en train de se construire.

Suspects idéaux, FFI adolescents mal dégrossis en quête de vengeance… Sous la chaleur écrasante, à travers les ruines fumantes et les stigmates de la bataille du Vercors, Judith Ashton et Georges Duroy assistent à la traque, essaient de comprendre ce qu’il s’est réellement passé, courent après le temps qui file et risque à la fois d’être fatal à un innocent et de laisser s’échapper un coupable.

Le problème, bien entendu, c’est que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire et encore moins lorsqu’un mythe est en train de s’édifier. Plus de 600 combattants pour la libération du Vercors et plus de 200 civils sont morts ici pendant l’été. Les résistants sont des héros que leurs sacrifices rendent intouchables. Enquêter sur la vie de Marie Valette, c’est d’une certaine manière risquer de flétrir son image. Enquêter sur ses proches, remettre en cause la culpabilité d’un manœuvre italien, c’est outrager les résistants qui sont là et les martyrs qui n’y sont plus.

C’est à ce dilemme que vont très vite être confrontés Georges Duroy et Judith Ashton : la vérité doit-elle l’emporter si elle risque d’écorner le mythe ? Et quelle place dans tout cela pour la justice ?

Sous le polar classique maîtrisé, derrière l’enquête, ses fausses pistes, ses impasses et sa résolution, François Médéline pose ces questions et y répond d’une certaine manière. Sans rien enlever au sacrifice de ceux qui sont tombés ici pour la libération de la France et sans nier la violence subie, il se glisse dans les interstices de l’Histoire pour dresser un portrait plus réaliste des hommes et des femmes qui sont là, dans toute leur complexité. Des êtres humains, en somme.

François Médéline, La sacrifiée du Vercors, 10/18, 2021. 198 p.

Du même auteur sur ce blog : La politique du tumulteLes rêves de guerre ; Tuer Jupiter ; L'Ange rouge ;

 

Publié dans Noir français

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