Les morsures du froid, de Thomas O'Malley et Douglas Graham Purdy

Publié le par Yan

Voilà un an déjà que Christophe Laurent, sur son excellent blog The Killer Inside Me (si vous n’y êtes pas encore allé, il est toujours temps de réparer cette erreur), a parlé avec enthousiasme de ce premier roman à quatre mains qui inaugure une série se déroulant dans le Boston des années 1950. Et comme il est opiniâtre, il a régulièrement eu l’occasion de me rappeler l’existence de Thomas O’Malley et Douglas Graham Purdy. Autant dire que j’avais plutôt intérêt à y aller voir.

Nous sommes donc à Boston pendant le particulièrement rude hiver de 1951. Il fait un froid de loup et un prédateur rôde depuis quelques temps dans les rues, laissant dans son sillage quelques cadavres de femmes. La police et la presse, en manque d’imagination, l’ont appelé le Boucher. Un matin de février, c’est le corps mutilé de Sheila Anderson qui est retrouvé dans le port de Norfolk, à Dorchester. Sheila, fille légère, attiré par la lumière, les clubs de jazz et les hommes aisés, n’est pas vraiment une priorité pour la police de Boston, pas plus d’ailleurs que les autres femmes trucidées. C’est donc Dante Cooper, le beau-frère de Sheila, ancien pianiste de jazz et héroïnomane, et son ami d’enfance Cal O’Brien, ancien flic et soldat revenu d’Europe avec de sérieux traumatismes et un goût un peu trop affirmé pour la bouteille, qui vont se lancer à la recherche de l’assassin de la jeune femme. Ce faisant, ils vont toutefois perturber le fragile équilibre de South Boston, des gangs irlandais qui s’y font la guerre et des politiciens qui s’y agitent avec l’espoir d’accéder au pouvoir et de s’enrichir au passage.

Dit comme ça, on a évidemment l’impression d’avoir déjà lu mille fois cette histoire. Et de fait O’Malley et Purdy ne cherchent pas à s’affranchir des archétypes du genre. Tout y est : héros fatigués au bord de la rupture à la recherche d’une impossible rédemption, policiers incompétents quand ils ne sont pas pourris, gangsters psychopathes, politiciens corrompus et femmes divisées entre celles qui subissent la violence des hommes et celles qui essaient de garder la tête hors de l’eau et de d’y maintenir vaille que vaille celles de leurs frères ou compagnons.

Mais là où O’Malley et Purdy sont forts, c’est que non seulement ils utilisent tout cela extrêmement bien mais qu’en plus ils incarnent avec une grande force le Boston ouvrier et ses bas-fonds, ses clubs plus ou moins miteux et les réseaux politiques et criminels qui s’y forment, le tout dans une atmosphère glaciale et crasseuse particulièrement bien rendue. C’est cette manière de rendre réaliste ce portrait du Boston des années 1950 qui donne au roman une solide assise sur laquelle vient se greffer la chair de personnages certes archétypaux mais bien campés. Si on y ajoute quelques scènes d’anthologie et un final dans la grande tradition des règlements de comptes aussi violents que définitifs, on a là un excellent polar qui annonce une belle série.

Thomas O’Malley et Graham Purdy, Les morsures du froid (Serpents in the Cold, 2015), Éd. Du Masque, 2016. Rééd. 10/18, 2017. Traduit par Isabelle Maillet. 480 p.

Des mêmes auteurs sur ce blog : Les brûlures de la ville ;

Publié dans Noir américain

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G
j'avais loupé le premier roman, j'ai bien envie de me rattraper !
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Y
C'est très bon.