La vérité sur Frankie, de Tina Uebel
Christoph, Judith et Emma sont trois étudiants insouciants en vacances. Durant cet été, ils font la connaissance de Frankie, barman dans un établissement qu’ils fréquentent. Un jour, Frankie avoue à Christoph qu’il est en fait un espion chargé de la lutte anti-terroriste et lui demande un service. À partir de ce moment-là, le timide et un peu falot Christoph entre dans un jeu pervers dans lequel Judith et Emma vont bien vite être elles aussi entraînées, et les trois jeunes adultes passent sous la coupe du manipulateur qu’est en réalité Frankie. C’est le début d’une disparition qui va durer dix ans.
Pour raconter cette histoire, Tina Uebel décide de donner la parole aux trois victimes interrogées par, a priori, des policiers. Ainsi aura-t-on alternativement, par relativement courtes séquences, les points de vue de Christoph, Judith et Emma, faisant apparaître petit à petit éléments de concordance mais aussi incohérences des récits et mensonges des uns ou des autres dont il apparait que, pour avoir été libérés physiquement de Frankie ils demeurent encore, à différents degrés, sous sa coupe. Cette approche psychologique est, de loin, la plus intéressante partie du roman. Micro événements, paroles faussement innocentes et contradictions des entretiens font apparaître en filigrane les ressorts de la manipulation mentale et le profond besoin de ces jeunes gâtés mais tôt gagnés par le sentiment de la vacuité de leurs vie de trouver une cause en laquelle croire aveuglément jusqu’à accepter les pires traitements.
Toutefois, si le dispositif formel mis en place par Tina Uebel fonctionne bien au départ, il découvre aussi bien vite ses limites. D’abord parce que les entrevues des protagonistes nous empêchent de vraiment comprendre la manière dont ils sont passés sous la coupe de Frankie, sauf à croire – et c’est difficile –à l’instantanéité de leur basculement. Ce postulat de départ accepté par la force des choses, on se trouve ensuite confronté à une autre faiblesse qui est le caractère très répétitif des entretiens qui, par ailleurs, font ressortir les traits les moins séduisants de personnages, ôtant de fait au lecteur une grande partie de l’empathie qu’il pourrait – ou même devrait – ressentir à leur égard.
Au final, la bonne idée de départ et l’analyse assez fine des ressorts de la manipulation psychologique (à tout le moins, donc, une fois que les personnages sont passés définitivement sous l’influence de Frankie), perdent de leur intérêt face à l’étirement du texte (quelques 360 pages et des brouettes) et à la litanie des nouvelles planques et des mauvais traitements qui se succèdent et provoquent une juste lassitude du lecteur. Très intéressant sur le fond, La vérité sur Frankie se révèle donc plutôt décevant sur la forme.
Tina Uebel, La vérité sur Frankie (Die Wahrheit über Frankie, 2008), Ombres Noires, 2013. Traduit par Stéphanie Lux.