Les dieux ne jouent pas aux dés : Le onzième pion, de Heinrich Steinfest

Publié le par Yan

onziemepion.jpgGeorg Stransky vit une vie d’une sécurisante banalité avec son épouse et sa fille jusqu’au jour où une pomme traverse la fenêtre de leur cuisine. Le lendemain, Georg a proprement disparu.


Chargée de l’enquête, Lilli Steinbeck relie ce qui semble être un enlèvement à une série de huit disparitions. La séduisante inspectrice au nez difforme va dès lors commencer une enquête qui la mènera de l’Allemagne à l’Extrême-Orient russe en passant par la Grèce, le Yémen et l’île Maurice, accompagnée par un vieux détective grec obèse immunisé contre la mort, au cœur d’un jeu qui dépasse l’entendement humain et qui semble manipulé par des puissances supérieures.
Einstein avait raison : non Dieu, ou plutôt les dieux, ne jouent pas aux dés. Ils jouent à un autre jeu, aux règles complexes, et qui ne semble pas toujours laisser beaucoup de place au hasard.


On l’aura compris, une fois de plus, Heinrich Steinfest se lance dans une histoire qui prend pour prétexte une enquête policière et utilise un certain nombre de codes du polar pour nous livrer tout autre chose… on ne sait trop quoi d’ailleurs tant s’entremêlent les genres, motifs et réflexions différents. Enquête, donc, nonsense, réflexion (et digression) existentielle, jeux avec les ethnotypes et lieux communs, le tout poussé à l’extrême. Ainsi Steinfest scrute-t-il en détail ses personnages comme un entomologiste doté d’un microscope et leur confère une vie et une réalité telles que l’on finit par dépasser cette réalité, en repousser les frontières pour pénétrer dans un territoire quasi onirique.
Tout cela est rythmé par un humour et une loufoquerie qui eux aussi finissent parfois par être dépassés, de telle manière que l’on ne sait plus si certaines situations sont hilarantes ou inquiétantes.
Steinfest nous promène donc constamment dans une espèce d’entre-deux pas toujours confortable mais à tout le moins d’une originalité rafraichissante. Peut-être (rien n’est moins sûr mais il en a été ainsi pour moi) plus accessible que  Requins d’eau douce, Le onzième pion semble avoir gagné en dynamisme ce qu’il a peut-être un peu perdu en fond philosophique. N’était une fin qui s’étire un peu en longueur, ce roman d’une loufoquerie de bon aloi qui assume joyeusement son détournement et son dépassement des codes du genre policier serait sans doute proche de la très grande réussite.


Utilisé à tort et à travers, le terme d’ovni littéraire est ici particulièrement adapté. Car Steinfest semble en train de créer, un roman après l’autre, un genre unique dont il est le seul, mais aussi le plus talentueux (que l’on m’excuse de m’essayer piteusement à sa logique toute personnelle) des représentants.
Heinrich Steinfest, Le onzième pion (Die feine Nase der Lilli Steinbeck, 2007), Carnets Nord, 2012. Traduit par Corinna Gepner.

Du même auteur sur ce blog :  Requins d'eau douce ; Le poil de la bête ;

Publié dans Noir germanique

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C
Et oui, Yan, mais c'est pas le tout, faut te recoller à la ligue, les vacances sont finies, ha ha...
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Y
<br /> <br /> 'foiré.<br /> <br /> <br /> <br />