Derniers verres, d’Andrew McGahan
George comptait bien tirer un trait sur son passé en arrêtant de boire et en s’installant dans un village des montagnes du Queensland, loin de Brisbane. Tout bascule une nuit, lorsqu’un cadavre est retrouvé à l’entrée du village, vraisemblablement torturé avant d’être électrocuté dans un transformateur. Ce cadavre fait ressurgir le passé de George : c’est celui de son ancien ami Charlie.
À une époque, entre la fin des années 1970 et le début des années 1980, dans cet État profondément pudibond qu’était le Queensland, George et Charlie avaient formé une petite bande d’alcooliques mondains : il y avait là outre George, journaliste, et Charlie, restaurateur et magouilleur patenté, des notables, ministre et policier compris, et la troublante Maybellene. Mais l’alcool n’était pas le seul lien entre-eux ; il y avait aussi la corruption, les tripots clandestins… qui leur ont permis de s’enrichir jusqu’à la Grande enquête qui a fait tomber les élites et les services de police corrompus du Queensland au début des années 1990. C’est Charlie qui a payé pour la bande, qui a subi la prison et la violence. C’est aussi lui qui est mort. Peut-être n’est-il que le premier d’une liste plus longue. Pour tenter de découvrir ce qui se trame, George doit retourner à Brisbane et faire face à son passé.
Comme son titre l’indique, l’alcool est au centre de ce roman. Parce qu’il a été, et parce qu’il est toujours au centre de la vie de George. C’est lui qui l’a fait s’élever dans la société et qui a précipité sa chute. Mais l’alcool n’est pas le seul sujet de Derniers verres. Le livre d’Andrew McGahan est aussi une peinture particulièrement corrosive de la société du Queensland et de son histoire récente et une réflexion présentée avec finesse sur la culpabilité et la lâcheté. Celles de George, mais aussi celles des autres protagonistes.
Ainsi, par un jeu d’aller-retours entre passé et présent à travers les yeux de George qui ne comprend pas vraiment le présent et, alcool oblige, n’a pas toujours tout compris au passé quand il ne l’a pas purement et simplement oublié, McGahan construit une intrigue décousue et nous invite à rassembler avec lui les pièces du puzzle. On y vient avec plaisir : Derniers verres est un livre intrigant, instructif, sombre et beau.
Andrew McGahan, Derniers verres, Actes Sud, 2007. Rééd. Babel Noir, 2008. Traduit par Pierre Furlan