Une ombre familière, d’Amy Engel

Publié le par Yan

Quand deux petites filles de douze ans se font assassiner dans le parc désaffecté d’une minuscule ville du fin fond des Ozarks, il est assez probable que ce soit l’œuvre d’un touriste. C’est en tout cas ce que se dit Eve Taggert, mère célibataire d’une des deux enfants. Serveuse dans un dinner, Eve a passé sa vie à essayer de s’extraire du monde marginal et hors-la-loi que lui offrait sa propre mère, violente et attirée par la racaille la plus mauvaise. Alors si ce meurtre est l’œuvre d’un habitant de Barren Springs, Eve entend bien faire en sorte qu’il le paye très cher, quitte à devoir de nouveau frayer avec ceux qu’elle s’est longtemps employée à éviter.

Si on commence à bien connaître les Appalaches et les Ozarks, terreau fertile pour le roman noir, Amy Engel arrive toutefois à apporter un petit quelque chose de plus. Ce n’est pas seulement des personnages de femmes fortes déterminées à avancer dans un monde d’hommes, mais aussi une capacité à mêler un polar profondément âpre à une véritable quête individuelle : celle pour Eve d’une émancipation qui passera par la nécessité d’accepter qu’elle soit le produit du monde dans lequel elle a grandi mais aussi que, peut-être, elle est bien plus forte et libre que ce qu’elle a longtemps cru.

Par ailleurs Amy Engel est de cette école qui sait parfaitement maîtriser la tension de son récit, clore un chapitre sur un élément qui pousse à continuer de tourner les pages. C’est sans doute un peu attendu – tout comme la divulgation du coupable – mais on ne peut nier que c’est bien fait. En particulier dans le dosage subtil entre l’action pure et un fond intéressant avec une quête de soi sans morale niaise et même parfois d’une immoralité tout bonnement libératrice. Bref, voilà une lecture des plus plaisantes.

Amy Engel, Une ombre familière (The Familiar Dark, 2020), Éditions du Masque, 2021. Traduit par Mireille Vignol. 238 p.

Publié dans Noir américain

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