Friday Black, de Nana Kwame Adjei-Brenyah
La collection Terres d’Amérique des éditions Albin Michel continue son travail de découverte de nouvelles voix de la littérature américaine. Bonne pioche avec Friday Black, de Nana Kwame Adjei-Brenyah, stupéfiant recueil de douze nouvelles majoritairement dystopiques à travers lesquelles le jeune auteur peint le portrait de l’Amérique d’aujourd’hui et de différentes formes du mal qui la ronge.
Racisme, violences domestiques, hyperconsommation au service d’une société lissée où aucune tête ne doit dépasser sont au programme de ces histoires percutantes.
On croisera donc là des vendeurs qui domptent des consommateurs avides d’accéder aux produits onéreux qui leur permettront d’être comme les autres (Friday Black ou encore Comment vendre un blouson selon les recommandations du Roi de l’Hiver), des noirs qui voudraient se fondre dans la foule pour ne plus être des victimes, au risque d’exploser (Les 5 de Finkelstein), des fœtus bavards (Lark Street), des adolescents formatés qui cherchent le bonheur (L’Ère) et d’autres qui n’ont pu le trouver (Cracheuse de Lumière), un parc d’attraction qui offre à ses clients l’occasion de libérer leurs pulsions racistes (Zimmer Land)…
Le point commun de toute ces nouvelles ? Elles sont toutes, à leur manière, des histoires de libération. La société que décrit Nana Kwame Adjei-Brenyah est un carcan qui compresse les corps et les esprits, les referme sur eux-mêmes. Les personnages que l’on croise ici tentent de s’en défaire, de briser cette entrave. Tous n’y arriveront pas et certains même continueront à essayer après la mort. Quant à ceux qui s’en libèreront, ça ne sera pas forcément pour le meilleur.
Ce fil conducteur donne toute sa cohérence à ce recueil, comme le ton que l’on retrouve dans chaque histoire, cruellement ironique pour mieux surpasser le désespoir qui pourrait gagner. Car Friday Black est peut-être aussi avant tout un texte qui, en montrant de manière crue ses effets délétères, rejette toute idée de résignation.
Nana Kwame Adjei-Brenyah, Friday Black (Friday Black, 2018), Albin Michel, coll. Terres d’Amérique, 2020. Traduit par Stéphane Roques. 272 p.