Crime Unlimited, de Jake Arnott

Publié le par Yan

Terry, l’amant. Lord Thursby, le député corrompu. Jack The Hat le dealer et homme de main. Ruby, l’artiste ratée devenue confidente. Lenny le sociologue fasciné par son objet d’étude. C’est à travers ces cinq voix que Jake Arnott peint le portrait éclaté de Harry Starks, gangster londonien, de la fin des années 1950 à la fin des années 1970.

Ascension et chute d’un truand. On a lu et on a vu ça mille fois. Pourtant, Jake Arnott en fait un roman exceptionnel. Cela tient d’abord à son personnage principal, caïd froid mais sujet à de véritables crises de folie, dandy, homosexuel assumé et, surtout alimenté par une énorme soif de reconnaissance. Cela tient ensuite, bien entendu aux cinq narrateurs qui se succèdent pour parler de leur rencontre avec Harry Starks à des époques et dans des situations différentes qui forment un puzzle dont, peu à peu les pièces se mettent en place en venant combler les zones d’ombres. Cela tient enfin au portrait en creux de la société anglaise de ces deux décennies. Derrière l’histoire de Starks, Arnott explique la montée en puissance du mouvement skinhead en réaction à l’évolution des Mods, la libéralisation progressive des mœurs, mais aussi, plus largement et d’une manière extrêmement fine à travers la partie constituée par le journal de Lord Thursby, sur les relations ambigües et leur gestion hasardeuse entre l’Angleterre et ses anciennes colonies.

On ajoutera à tout cela la manière dont Jake Arnott intègre à son récit de fiction des personnages bien réels qui ont acquis, à leur manière, un statut de légende. C’est le cas de Jack The Hat et des frères Kray, authentiques truands londoniens dont Harry Starks, d’une certaine manière, tout en les côtoyant dans le roman, est une espèce de double fictionnel.   

Vif, enlevé, ponctué de scènes d’anthologie et de dialogues exceptionnels, Crime Unlimited, premier volet d’une trilogie qui nous amène jusqu’aux année Blair, est de ces romans qui savent vous divertir tout en vous instruisant ou, à tout le moins, en éveillant votre curiosité. Un de ces livres que l’on n’a pas fini lorsqu’on l’a refermé, occupé que l’on est à chercher plus d’informations encore sur ce dont il parle. Une lecture éminemment stimulante.

Jake Arnott, Crime Unlimited (The Long Firm, 1999), Éd. Passage du Marais, 2002. Rééd. Éd. 10/18, 2005. Traduit par Colette Carrière. 415 p.

Publié dans Noir britannique

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J
La trilogue est exceptionnelle, tu peux lire les deux autres sans crainte. Dommage que cet auteur ne soit pas mieux connu.
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Y
Je compte bien les lire !