Prémices de la chute, de Frédéric Paulin

Publié le par Yan

Suite attendue de La guerre est une rusePrémices de la chute débute en janvier 1996, lorsque le gang de Roubaix mené par Christophe Caze et Lionel Dumont arrose copieusement une patrouille de police à l’arme automatique. Réif Arno, journaliste à La Voix du Nord est dépêché sur les lieux. Grillé dans les rédactions parisiennes à cause de son addiction à la cocaïne, ramenard et doté d’une assez haute idée de lui-même, Arno est aussi opiniâtre et sent bien qu’il se passe quelque chose de particulier autour de ce fait-divers. Après avoir mis à contribution – difficilement – ses contacts dans la police et le moyen banditisme local, il comprend que tout cela est plus compliqué.

Il ne s’agit pas de simples braqueurs mais d’islamistes décidés à continuer à mener le djihad après avoir combattu en Bosnie. Il s’engage alors dans une longue et dangereuse enquête avec l’aide irrégulière de Tedj Benlazar, l’agent de la DGSE dont on avait pu précédemment suivre les pas.

 

On n’est pas dépaysé après La guerre est une ruse. Frédéric Paulin, une fois encore, prend son sujet à bras-le-corps et avec une efficacité certaine. Sans surprise, le récit est rythmé,  prenant et, surtout, se révèle être une très habile mise en forme romanesque d’une grande masse d’informations sur la manière dont la nébuleuse de l’islamisme radical a tissé ou renforcé des liens entre différentes mouvances dans les années 1990. Du Nord de la France à l’Afghanistan en passant par la Bosnie et Narbonne, Frédéric Paulin nous fait coller aux basques de ses personnages, flics, agents de renseignements, islamistes et journalistes partout où le terrorisme islamiste est alors en train de renforcer ses positions stratégiques et son implantation. Tout cela, une fois encore, est extrêmement bien mené, sans jamais alourdir le propos et en évitant autant que possible les raccourcis. On voit ainsi monter l’influence de l’Arabie saoudite, se forger le plan d’Al Qaida contre les Twin Towers, et comme Khaled Kelkal dans le précédent volume, on s’attache aux pas d’un jeune homme a priori intégré, Zacharias Moussaoui, bien parti pour aller prendre des cours d’aviation aux Etats-Unis en économisant au maximum sur les leçons consacrées à l’atterrissage.

 

En parallèle, on voit aussi les guerres de services en France comme en Amérique et un certain aveuglement sur la manière d’évaluer le danger que représentent tous ces jeunes islamistes éparpillés dans le monde et qui ont pourtant beaucoup en commun, à commencer par leur fréquentation des grottes de Tora Bora où de ceux qui s’y sont installés.

 

C’est là, et c’est déjà très bien, la grande qualité de ce deuxième volet de la trilogie annoncée de Frédéric Paulin aux éditions Agullo. On se montrera un peu plus réservé – comme on l’avait déjà été – sur les relation de Benlazar et de sa famille, un peu cliché parfois, et sur une équation sans doute difficile à résoudre pour l’auteur : avec un nombre volontairement limité de personnages principaux pour enquêter – Arno et Benlazar – il se trouve dans l’obligation de forcer le destin et les heureuses coïncidences et le fait que l’un comme l’autre se trouvent toujours au bon endroit au bon moment peu parfois déranger.

 

Cela posé, que l’on ne s’y méprenne pas, on trouvera dans Prémices de la chute un roman d’une grande richesse, instructif et particulièrement accrocheur. On attend maintenant – encore – la suite.

 

Frédéric Paulin, Prémices de la chute, Agullo, 2019. 310 p.

 

Du même auteur sur ce blog : Le monde est notre patrie ; La guerre est une ruse ;

Publié dans Noir français, Espionnage

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B
La suite est pour mars 2020 d’après son éditeur...
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