Les derniers jours du Condor, de James Grady
Disparu depuis L’ombre du Condor, en 1975, Ronald Malcolm, alias Condor, alias Vin, réapparaît après quarante ans et un passage en asile évoqué il y a quelques années dans Mad Dogs. Toujours suivi médicalement et professionnellement par l’agence qui l’emploie, le voilà de nouveau au cœur d’un complot, si c’est ainsi que l’on qualifie le fait de retrouver chez soi, en rentrant du boulot, l’agent chargé de notre suivi crucifié sur la cheminé du salon et énucléé. Et donc, une nouvelle fois, il s’agit pour Condor de tenter de prendre son envol et d’échapper à la meute lancée à sa poursuite.
Les derniers jours du Condor, nécessairement, font écho aux Six jours du Condor. On y retrouve donc sans surprise les mêmes motifs : la rencontre avec une femme ainsi que l’impitoyable poursuite menée par un groupuscule cherchant à gagner en influence et en pouvoir personnels infiltré au cœur du service pour lequel Condor est censé travailler.
Ce que Grady nous dit là, c’est que tout à changé – le Rideau de fer s’est écroulé, les tours du World Trade Center se sont effondrées – mais que rien n’a changé. La géopolitique peut être bouleversée, mais on ne change pas les hommes comme ça. L’attrait du pouvoir pour le pouvoir, l’envie de dominer à tout prix, l’obsession du contrôle sont toujours bel et bien là. Tout au plus les moyens de contrôle et la paranoïa sont-ils aujourd’hui un peu plus prégnants. Ce qui n’empêche d’ailleurs pas Condor, avec ses méthodes d’un autre temps, d’avant internet, d’avant le flicage électronique généralisé, de réussir à garder un léger temps d’avance. Non pas qu’il connaisse tout des nouveaux systèmes mis en place mais juste parce qu’il sait comment fonctionne le cerveau de ses semblables et peut ainsi anticiper leurs raisonnements fondés sur la méfiance et, surtout, une immense arrogance.
Tout cela permet à James Grady, dans ce qui est bien plus un thriller sur fond d’espionnage qu’un livre sur les espions, d’aligner les scènes tendues, y compris celles qui, d’ailleurs, ne devraient a priori pas l’être. Ainsi voit-on s’installer une profonde tension lors des multiples scènes de sorties ou d’entrées dans diverses planques, mais aussi dans les scènes de tête à tête amoureux.
Et puis il y a aussi LA scène, le morceau de bravoure : une formidable fusillade dans le métro digne des meilleurs moments du cinéma, qui n’est pas sans rappeler les fusillades en gare des Incorruptibles, ou de l’Impasse de Brian de Palma. Parfaitement maîtrisée, avec une écriture précise et visuelle, elle est le point d’orgue du roman et vaut à elle seule qu’on le lise.
Autant dire, que l’on ne regrette pas d’avoir attendu six ans pour retrouver James Grady.
James Grady, Les derniers jours du Condor (Last Days of The Condor, 2015), Rivages/Thriller, 2015. Traduit par Hubert Tézenas. 377 p.
Du même auteur sur ce blog : Les six jours du Condor ; L’ombre du Condor ; Le fleuve des ténèbres ; Steeltown ; Tonnerre ; Comme une flamme blanche ; La ville des ombres ; Mad Dogs ;