Les cris du Mississippi, d’Ace Atkins
Après Retour à Jericho, Les cris du Mississippi est le deuxième roman d’Ace Atkins à mettre en scène Quinn Colson, ranger vétéran d’Irak et d’Afghanistan devenu shérif du comté rural du nord du Mississippi d’où il est originaire.
On a déjà dit ici à propos du précédent livre d’Atkins et du plus ancien Blues Bar, quelles sont les limites de l’auteur. Très bon faiseur, Ace Atkins connait les recettes qui permettent de faire avancer l’action, de camper des personnages à plusieurs facettes avec lesquels il réussit à faire entrer le lecteur en empathie, au risque parfois de trop forcer le trait et que la sauce ne se lie pas entièrement. C’est une fois encore le cas avec Les cris du Mississippi dans lequel notamment l’explication mélodramatique des relations tendues entre Quinn Colson et sa sœur flirte avec la ligne jaune au-delà de laquelle on est en droit de crier au cliché rebattu.
Mais si les défauts des précédents romans d’Atkins sont là, leurs qualités aussi et en particulier le souci de l’auteur de décrire sans fard le quotidien de ces petites villes rurales d’un des États les plus pauvres des États-Unis et les difficultés de la réintégration dans la société des jeunes vétérans des guerres américaines du début du XXIème siècle. Car si Colson semble avoir réussi à dépasser ses traumatismes, ce n’est ni le cas de son ami Boom revenu du Moyen Orient avec un bras en moins et la peur au ventre dès qu’il s’agit de conduire un véhicule, ni celui de Donnie pour qui le séjour en Afghanistan n’a finalement été qu’une parenthèse dans une vie de redneck destiné à stagner au bas de l’échelle sociale au fin fond des États-Unis et pour lequel les voies qui s’ouvrent pour s’extraire de cette condition penchent nécessairement du coté de l’illégalité.
Embringué dans une combine de trafic d’arme lucrative mais qui finit par le dépasser, Donnie se trouve en cheville avec des personnages encore moins recommandables que lui et en particulier ces Torres, trafiquants d’enfants partis sans laisser de traces et après lesquels court Colson.
Encore un fois, donc, Ace Atkins réussit une très bonne mise en place d’un décor qu’il connaît bien pour y vivre, un Mississippi miséreux, une société rurale avec ses petites et vieilles haines, sa corruption municipale… Un décor dont l’intérêt finit parfois par supplanter celui de l’intrigue un peu téléphonée et dont on peut se demander si ce n’est pas elle qui est au service de ce décor que s’emploie à peindre Atkins plutôt que le contraire. Cela donne au final, grâce à ce fond solide, un roman qui, sans renouveler le genre ni forcément éviter le piège des clichés qui y sont inhérents, se laisse lire sans déplaisir.
Ace Atkins, Les cris du Mississippi (The Lost Ones, 2012), Éditions du Masque, 2015. Traduit par Jean Esch. 339 p.
Du même auteur sur ce blog : Retour à Jericho ; Blues Bar ;