Pension complète, de Jacky Schwartzmann

Publié le par Yan

Dino a en l’espace de vingt ans fait un sacré chemin depuis sa cité lyonnaise jusqu’à Luxembourg où il partage la vie de Lucienne, de 32 ans son aînée et, depuis quelques mois de la mère de cette dernière, Macha, qui ne se remet pas d’un AVC et a aménagé avec eux. Entretenu par les millions de Lucienne, Dino ne se voit pas pour autant comme un gigolo, mais on ne peut pas en dire autant des Luxembourgeois qu’il est obligé de fréquenter et pour lesquels, outre le fait de partager la vie d’une dame bien plus âgée, il souffre d’une autre tare impardonnable : il est français. Un incident diplomatique avec un banquier belge pousse Dino à un exil a priori temporaire le temps de l’été. Parti pour loger quelques semaines dans le yacht de Lucienne à Saint-Tropez, il est cependant forcé de s’arrêter en chemin à cause d’une bête panne de voiture. Obligé de passer quelques jours dans un camping de La Ciotat, entouré d’anglais, de hollandais et – toujours – de belges, Dino se lie avec Charles, écrivain, lauréat du prix Goncourt, venu observer des vrais gens dans leur habitat naturel. Sauf que le camping des Naïades a un inconvénient majeur : les morts suspectes semblent s’y accumuler.

Après Mauvais coûts et Demain c’est loin, Jacky Schwartzmann revient donc avec ce qui semble être devenu sa marque de fabrique, un polar décapant où les péripéties s’enchaînent et dans lequel malgré tout, l’auteur laisse la place en filigranes à la réflexion. Peut-on se défaire de ce que l’on est ? À quoi tiennent l’amour et l’amitié ? Des questions simples que Schwartzmann n’entend pas régler définitivement mais qui viennent ajouter du fond à un roman qui, sur la forme joue la carte de l’humour, se plaît à torturer un Dino dont la descente vers la Côte d’Azur ressemble à une descente en enfer en même temps qu’à un véritable déclassement après avoir tutoyé les sommets, et s’amuse grâce au personnage de Charles Desservy à pointer les travers agaçants des écrivains qui ont méticuleusement construit leur succès sur leur image et sont incapable de naturel avec le commun des mortels.

On a finalement un peu l’impression de suivre un épisode de l’émission Strip-tease qui aurait mal tourné. Ça égratigne, ça amplifie les défauts des uns et des autres pour mieux les tourner en dérision, mais il y a derrière une vraie tendresse à l’égard des personnages. C’est dire que l’on ne se fait pas prier pour se laisser embringuer à la suite de ces personnages étonnants et regarder les malheurs qui s’abattent sur eux sans pour autant que le roman verse dans le cynisme, ce qui fait parfois aussi du bien. Autant dire que, une fois encore, on prend un véritable plaisir à lire Jacky Schwartzmann.

Jacky Schwartzmann, Pension complète, Seuil, Cadre Noir, 2018. 185 p.

Du même auteur sur ce blog : Mauvais coûts ; Demain c’est loin ; Pyongyang 1071 ; Kasso ; Shit ! ;

 

Publié dans Noir français

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N
Ah ah ah ! Que c'est drôle, quel sens de l'observation et de l'ironie ! Je vais me jeter sur Pyongyang 1071 ...
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C
j'ai beaucoup aimé cette lecture, même si j'ai eu du mal avec la fin...
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