Pyongyang 1071, de Jacky Schwartzmann
« J’ai décidé d’aller à Pyongyang lors d’une soirée créole » dit d’emblée Jacky Schwartzmann en ouverture de Pyongyang 1071. Rien que de très commun en somme… Pour son premier ouvrage de non-fiction, on sent très vite que l’on ne sera peut-être pas très loin de l’univers romanesque de l’auteur qui aime à jouer sur les décalages et les associations improbables. Ici donc l’histoire d’un écrivain français qui n’a jamais couru une telle distance, qui aime moyennement voyager (sauf dans les dictatures) et qui réussit finalement à se faire accompagner dans son périple par une amie journaliste pour qui enfiler un collant de course relève du crime esthétique.
C’est parti pour un peu moins de 200 pages de récit à propos de cette drôle d’aventure, du moment où l’idée germe dans l’esprit de Jacky Schwartzmann jusqu’à – ATTENTION SPOILER – son retour.
Écrit avec la verve habituelle de l’auteur et beaucoup d’autodérision, Pyongyang 1071 pourrait vite passer pour une légère pochade. Ça l’est, bien sûr, dans une certaine mesure et en particulier dans les chapitres consacrés à la préparation qu’effectue Jacky Schwartzmann sous les ordres d’un coach virtuel que l’on imagine quelque part entre les Bee Gees pour le look et Clint Eastwood dans Le Maître de guerre pour sa manière de mener les entraînements.
Puis il y a le départ pour la Corée du Nord, l’angoisse avant d’arriver à l’aéroport, les hésitations, la plongée vertigineuse dans la foule chinoise et le voyage en train vers Pyongyang. On rit toujours autant, grâce à l’humour de l’auteur, à sa capacité à trouver des comparaisons ou des métaphores complètement baroques, mais on sent aussi que le sujet devient moins léger lorsque se confirme pour Jacky Schwartzmann l’impossibilité de rencontrer la population et l’obligation de rester en groupe avec d’autres occidentaux dont certains sont de beaux abrutis. Si la course est un beau moment de bravoure, avec l’objectif d’arriver sous la barre des quatre heures pour avoir la possibilité de faire un tour d’honneur devant 50 000 nord-coréens acclamant les coureurs, c’est bien cette rencontre ratée avec les gens et cette impression de visiter une maison témoin qui n’aurait pas été remise au goût du jour depuis des décennies, avec ses décorations kitsch et ses expositions de sculptures en sucre qui fait le sel du récit. Et aussi l’amitié qui se noue entre l’auteur et Clémentine, la journaliste ; une amitié fondée sur une évidente complicité en matière d’humour.
Bref, si l’on rit sans retenue à la lecture de Pyongyang 1071, retrouvant dans ce livre ce qui nous avait séduit dans ses romans, on suit aussi avec curiosité le périple de Jacky Schwartzmann pour ce qu’il nous apprend – ou plutôt pour ce qu’il ne lui est pas donné de nous apprendre, en fait – sur la Corée du Nord, ce pays où, dit-il, l’humour et mort. Ici, non seulement il existe encore, mais Jacky Schwartzmann nous prouve encore s’il en était besoin, à quel point il peut être salutaire.
Jacky Schwartzmann, Pyongyang 1071, Paulsen, 2019. 187 p.
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