Le vent à gorge noire, de Stav Sherez

Publié le par Yan

Une étudiante ougandaise est sauvagement assassinée à Londres. Grace Okelo préparait une thèse portant sur la violence politique en Afrique et plus particulièrement dans son pays. Jack Carrigan, policier opiniâtre mais instable est chargé de cette enquête. Il la prend d’autant plus à cœur qu’il a lui-même souffert dans sa chair de la violence de l’armée ougandaise. C’est aussi pour cela que son supérieur lui a adjoint de force le sergent Geneva Miller, qui est autant là pour le seconder que pour l’espionner. De fausses pistes en révélations l’enquête va toutefois avancer, au risque de mettre au jour des éléments dont d’aucuns préfèreraient qu’ils demeurent cachés.

Plongée annoncée dans la diaspora ougandaise londonienne, avec ses étudiants, ses anciens enfants-soldats et ses tortionnaires accueillis par les autorités britannique, Le vent à gorge noire s’annonce comme un roman propre à éveiller la curiosité. Espoir en partie déçu dans une première moitié du roman, classique enquête de police qui met en place de façon parfois un peu trop démonstrative les personnages de Carrigan et Miller, leurs fêlures et la façon dont ils se jaugent, et qui laisse de côté l’arrière-plan ougandais. La deuxième moitié du roman, libérée de cette mise en place ne s’en trouve que plus rythmée et intéressante en creusant un peu plus la question de la manière dont cette violence politique s’exporte sans toutefois réellement approfondir un sujet qui, s’il fascine Miller, semble gêner Carrigan au moins autant que l’ambassade ougandaise.

De fait, la structure de l’intrigue choisie par Stav Sherez et le dénouement qu’il a en vue l’obligent à ne pas trop approfondir ces aspects. Aussi voit-on se développer une enquête dont l’intérêt se révèle vite résider plus dans la relation Carrigan/Miller et la résolution du mystère de ce que Carrigan a bien pu subir en Ouganda quelques décennies auparavant, que dans la découverte intime de la diaspora ougandaise à Londres ou la façon dont la raison d’État britannique doit s’accommoder des actions de ceux que le pays décide d’accueillir tout en connaissant les actes qu’ils ont commis dans leur pays.

Il résulte de cela un roman efficace dans l’ensemble, parfois trépidant et, d’une manière générale, de bonne facture qui n’a toutefois pas la profondeur que son résumé pouvait laisser présager. Bien mené mais manquant d’une épaisseur que l’auteur n’a pas su lui donner malgré un thème qui s’y prêtait, Le vent à gorge noire est un honorable divertissement, ni plus, ni moins.

Stav Sherez, Le vent à gorge noire (A Dark Redemption, 2012), Stock, 2014. Rééd. Le Livre de Poche, 2016. Traduit par Éric Moreau. 478 p.

Publié dans Noir britannique

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