Delta Charlie Delta, de Laurent Guillaume

Publié le par Yan

Delta Charlie Delta marque le retour de Mako, (anti)héros de deux des romans précédents de Laurent Guillaume. Le flic borderline se trouve ici confronté à deux affaires qui, on s’en doute, vont rapidement être liées. D’un côté la mort d’un junkie néo-nazi que Mako s’empresse de classer comme un suicide, de l’autre la découverte d’une jeune femme violée et laissée pour morte dans une caravane de chantier sur laquelle travaille le capitaine Marie Auger. Flic elle aussi à la dérive, cette dernière va devenir l’alliée de circonstance d’un Mako qui semble proche du bout du rouleau, dernier vestige d’une époque révolue dans une institution policée qui se voudrait politiquement correcte et qu’incarne le jeune adjoint aux dents longues dont il se trouve lesté.

De facture classique, Delta Charlie Delta est un roman policier qui obéit scrupuleusement aux règles du genre : des affaires différentes qui se rejoignent, un flic vieillissant qui se lance dans l’affaire comme un chien dans un jeu de quilles et vient perturber les plans bien rodés de criminels particulièrement retors, et quelques secrets qui émergent.

Déjà vu, déjà lu, cela pourrait être une impasse. Mais Laurent Guillaume, qui commence à avoir du métier, joue avec un plaisir évident et communicatif avec ces poncifs. Là où le roman pourrait devenir une énième variation sur le thème du flic incompris, l’auteur sait manier un humour qui lui permet de garder une certaine distance et qui relance l’intérêt de son histoire, par ailleurs bien sombre. C’est qu’il n’épargne personne, pas même son héros sur le retour, et qu’il dresse quelques portraits croustillants de racailles à la ramasse comme de flics complètement largués.

Et si l’intrigue n’est donc pas vraiment originale, elle se trouve d’autant mieux rythmée et prenante que Laurent Guillaume semble avoir choisi d’épurer un peu son écriture qui souffrait parfois jusque-là d’une certaine propension à se laisser aller à des afféteries stylistiques qui tendaient à alourdir ses romans. Débarrassée de ces scories sans pour autant sombrer dans un minimalisme qui ne vaut guère mieux s’il n’est pas maîtrisé, cette écriture plus directe permet à l’auteur de maintenir la tension y compris  dans des scènes un peu cliché qui auraient pu frôler le ridicule si elles avaient été écrites de façon trop grandiloquente.

Cela donne donc en fin de compte un polar qui, s’il ne révolutionne guère le genre, dose efficacement humour, violence, suspense et scènes plus casse-gueules d’introspection ou sentimentales, et qui, c’est cela qui compte,  se lit avec un réel plaisir.

Laurent Guillaume, Delta Charlie Delta, Denoël, coll. Sueurs Froides, 2015. 263 p.

Du même auteur sur ce blog : Black Cocaïne ; Mako ; Là où vivent les loups ; Un coin de ciel brûlait ; Les dames de guerre : Saïgon ;

Publié dans Noir français

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