Là où vivent les loups, de Laurent Guillaume
Priam Monet est grand, gros et misanthrope. Parfait donc pour le poste auquel on l’a assigné à l’Inspection générale de la police nationale. C’est à ce titre que ce parisien allergique à l’air pur et aux relations de bon voisinage débarque à Thyanne, petite ville industrielle sise dans une vallée alpine près la frontière franco-italienne, pour faire un audit du poste de la police aux frontières installé là. Heureux hasard pour le flic attaché à son précédent poste d’enquêteur, coup de malchance pour le Parigot qui voudrait pouvoir s’échapper au plus vite de ce trou perdu, un cadavre est découvert. Si l’on pense tout d’abord à un migrant victime d’une chute accidentelle, Monet constate bien vite que non seulement il n’y a pas eu d’accident, mais que par ailleurs la victime n’est peut-être pas ce que l’on croit.
Laurent Guillaume, avec Là où vivent les loups, s’amuse de toute évidence. D’abord avec ce personnage de Priam Monet qui, de prime abord, évoque le Vertigo Kulbertus de Franz Bartelt avant de se faire tout de même un peu plus orthodoxe que ce dernier. Avec les codes du polar et du western ensuite. Priam Monet, c’est un peu le nouveau shérif qui débarque en ville. Une ville où, d’ailleurs, on aime à se retrouver dans un ersatz de saloon appartenant – bien entendu – à l’homme d’affaires qui dirige la ville et semble tenir tout le monde, police comprise, à sa botte. Et si donc le fil de l’enquête et ses quelques rebondissements ne sont pas forcément propres à mettre en émoi le lecteur habitué aux polars qui voit assez bien arriver une partie des événements, le plaisir est ailleurs.
Dans la façon dont Laurent Guillaume malmène sont personnage principal et joue avec les autres, livrant au passage une galerie de personnages secondaires assez amusante, entre flics moustachus et hôteliers presque trop hospitaliers. Dans les situations tendues aussi, qui finissent toujours par déraper un peu vers un certain comique sur lequel l’auteur à le bon sens de ne pas trop appuyer pour ne pas transformer son livre en pantalonnade. Pour cela, il s’appuie aussi sur quelques personnages – le vieux Roc, Claire, adjointe forcée de Monet – et un certain cadre – la question des migrants mais aussi les ravages de la désindustrialisation et du capitalisme sauvage après ceux du capitalisme paternaliste – qui donne à l’ensemble assez d’épaisseur pour tenir la distance.
Cela donne un roman léger qui peut se lire avec le même plaisir au premier et au second degré (on ne cachera pas notre préférence pour cette dernière lecture) essentiellement parce que Laurent Guillaume ne cherche pas à être autre chose qu’un bon artisan. Le travail est bien fait et il y ajoute sa patte – à base de whisky et d’ironie un peu mordante. Ce faisant, il offre un indéniable bon moment de lecture. Et soyons clair, on reprendrait bien à l’avenir une petite dose de Priam Monet.
Laurent Guillaume, Là où vivent les loups, Denoël, 2018. 303 p.
Du même auteur sur ce blog : Black Cocaïne ; Mako ; Delta Charlie Delta ; Un coin de ciel brûlait ; Les dames de guerre : Saïgon ;