Black Cocaïne, de Laurent Guillaume
Souleymane Camara, dit Solo, ancien policier français réfugié après une sale affaire à Bamako, la ville de son père, exerce dorénavant la profession de détective privé. Solo s’est forgé une réputation d’efficacité, voire de justicier dans la capitale malienne, et s’est tout naturellement vers lui que se tourne Faten Tebessi, jeune avocate française, afin d’innocenter et faire libérer sa sœur incarcérée dans le pays après une saisie de drogue à l’aéroport. Mais en acceptant cette affaire a priori simple à démêler, Solo ne va pas tarder à faire émerger des ramifications bien plus vastes et inquiétantes et à mettre en danger sa propre personne et ceux qui lui sont proches.
Avec Black Cocaïne, Laurent Guillaume fait le choix original de catapulter un détective dans le plus pur style hardboiled au Sahel. On retrouve donc tous les motifs du genre : l’ancien flic détruit par la disparition de sa femme et de son enfant, l’arrivée de la cliente dans le style femme fatale, désagréable et manipulatrice, un lot assez important de raclées à subir par un héros dont l’opiniâtreté confine à l’entêtement suicidaire, et une ville – ou même ici un pays – corrompue. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le Mali dépeint par Laurent Guillaume se prête bien à ce jeu, d’autant plus que vient se greffer à cet exercice de reprise des thèmes du roman américain de détective le poids des traditions et des liens familiaux et sociaux particuliers de ce bout d’Afrique, conférant au roman une atmosphère qui offre un ton original à une histoire par ailleurs très classique.
De fait, on suit avec intérêt les pérégrinations de Solo, et Laurent Guillaume sait faire fonctionner avec efficacité les rouages de l’histoire pour faire de son roman un bon page-turner. Mais c’est bien moins l’enquête elle-même que ce climat particulier qui voit se mêler les symptômes d’un État en déliquescence – corruption de la police et de l’administration revendant les intérêts du pays aux étrangers les plus offrants, accointances entre armée et djihadistes – et ces questions d’honneur et de fidélité à la famille élargie qui tissent les liens sociaux du pays et se placent au-dessus des basses questions de législation, qui font se distinguer ce roman de la masse des publications.
Si l’on regrettera parfois une certaine tendance de l’auteur à trop vouloir expliquer, à renfort d’adjectifs un peu redondants, les motivations de ces personnages là où leurs actes pourraient suffire, il n’en demeure pas moins que Black Cocaïne se révèle tout à fait efficace. Sans prétendre à devenir un classique ou un grand roman du genre, il fait le job, apportant action, rebondissements et exotisme. De quoi passer quelques heures agréables de lecture.
Laurent Guillaume, Black Cocaïne, Denoël, Sueurs Froides, 2013.
Du même auteur sur ce blog : Mako ; Delta Charlie Delta ; Là où vivent les loups ; Un coin de ciel brûlait ; Les dames de guerre : Saïgon ;