The Whites, de Richard Price
Billy Graves dirige une équipe de nuit de la police de New York. À ses débuts dans le Bronx, il a eu la chance de faire ses armes au sein d’une équipe soudée au travail comme en dehors, du genre à se serrer les coudes même lorsque Billy, défoncé à la coke, a accidentellement blessé un enfant lors d’une intervention. Comme tous les flics qui ont fini par devenir enquêteurs, les membres de la bande, les Wild Geese, ont tous dans le placard un vieux dossier qui les hante, un « white » dans lequel le coupable, malgré les preuves, a réussi à se tirer d’affaire.
Quand un type se fait poignarder en pleine nuit à Penn Station et que Billy Graves reconnaît en lui Jeffrey Bannion, le « white » d’un de ses anciens coéquipiers, il mène l’enquête non sans éprouver une pointe de satisfaction. Car son ami John Pavlicek rêvait depuis longtemps d’annoncer aux parents de l’enfant tué par Bannion la mort du bourreau de leur fils.
Bien sûr, lorsqu’un deuxième white lié aux Wild Geese disparaît sans laisser de traces, Billy commence à se demander jusqu’où ses amis seraient prêts à aller pour que la justice dont ils estiment avoir été floués soit rendue. L’affaire va alors virer à l’obsession en même temps qu’à la paranoïa lorsque Milton Ramos, flic violent et haineux, commence à menacer la famille Graves.
Joseph Wambaugh. C’est à lui que l’on pense quand on lit les premières pages de The Whites et lorsque Richard Price s’attache à suivre Billy Graves dans ses sorties nocturnes sur des scènes de crimes tour à tour cocasses ou désespérantes. Et puis il y a aussi le sens des dialogues de Richard Price et sa capacité à installer ses personnages dans leur environnement : on plonge avec lui dans l’appartement en sous-sol de Jimmy Wheelan ou dans le salon funéraire de Redman Brown, deux anciens équipiers de Graves, tout comme on saisit l’atmosphère et les odeurs de la cuisine où le héros se retrouve quand il le peut avec son père et ses enfants. Autant de questions de forme qui viennent soutenir et même transcender une intrigue somme toute classique et à laquelle Price rajoute encore du fond.
Il y a certes, au centre du roman, une réflexion forte sur la justice et la vengeance ; d’autant plus forte à partir du moment où Billy Graves est certain que ses amis éliminent leurs « whites » (ceci n’est pas vraiment un spoiler, on s’en doute très vite). Mais il y a aussi, omniprésent, un questionnement sur l’héritage. Celui que l’on reçoit comme c’est le cas pour Ramos, héritier d’une vengeance qui dirige sa vie entière, pour Billy qui accueille son père atteint d’Alzheimer mais qui lui lègue aussi, par petites touches, toute son expérience, pour Carmen, la femme de Billy, porteuse d’une vieille et destructrice culpabilité et, bien entendu, pour tous les membres des Wild Geese avec leurs « whites » respectifs. L’héritage que l’on lègue aussi, bien entendu, d’autant plus fort pour Billy qu’il est ici représenté par un profond dilemme moral.
Écrivain de plus en plus rare (son roman précédent, Souvenez-vous de moi, date de 2008), Richard Price ne déçoit pas avec ce livre fort, moins pour son intrigue, on l’a dit, que pour la vigueur des sentiments qu’il y décrit, le questionnement moral qu’il pose sans pour autant imposer une réponse définitive et la force de ses descriptions du New York nocturne et des quartiers aux marges et enfin ses personnages fouillés et ambivalents.
Richard Price, The Whites (The Whites, 2015), Presses de la Cité, 2016. Traduit par Jacques Martinache. 414 p.
Du même auteur sur ce blog : Clockers ; Ville noire, ville blanche ;