Sur ta tombe, de Ken Bruen

Publié le par Yan

sur ta tombeL’ancien Tigre celtique a un genou à terre. Touchée de plein fouet par la crise l’Irlande jadis donnée en exemple de la réussite du libéralisme à outrance a la gueule de bois. À Galway, Jack Taylor, qui, avec une patte folle, un tympan hors d’usage, un foie qui doit avoir une drôle de tête et bientôt deux doigts en moins mais toujours aussi borné, ressemble de plus en plus au chevalier noir de Sacré Graal, est confronté à des meurtres et agressions qui prennent pour cible prêtres, handicapés mentaux, homosexuels, sans-abris et détectives alcooliques.

On le dit, on le redit, c’est toujours un plaisir de retrouver Jack Taylor, la culpabilité qui l’écrase et qu’il dissimule avec cynisme et fausse ingratitude, son alcoolisme assumé et ses références musicales, cinématographiques et littéraires. Sur ta tombe ne fait donc pas exception à la règle et ce Jack Taylor de plus en plus usé, de plus en plus seul, demeure un des personnages les plus attachants de la littérature noire.

C’est donc avec un réel plaisir que l’on suit ses pérégrinations dans un Galway pluvieux, confronté à la fois à quatre jeunes psychopathes et à un prêtre des plus pourris, et qu’on lit ses réflexions acerbes sur la société irlandaise, son Église et l’alcool.

Si cela permet de passer un bon moment, de retrouver, donc, un personnage dont on aime à entendre les jugements définitifs sur la justice, le rock’n’roll, le capitalisme sauvage, le roman noir, la Guinness et le Jameson, on ne peut toutefois qu’avouer que les intrigues qui accompagnent tout cela et qui devraient charpenter le roman sont de plus en plus de simples prétextes à faire s’exprimer Jack Taylor/Ken Bruen sur tous ces sujets. C’est ici particulièrement flagrant avec une enquête qui, comme le dit Christophe Laurent, plus emballé que nous, s’achève sur un dénouement digne de Scoubidou, totalement attendu et dont, en fait, tout comme Ken Bruen sans doute, on se fiche un peu.

Ça n’est pas tant la fin du voyage qui compte ici que le voyage lui-même aux côtés de Jack Taylor, le vieil oncle alcoolique à la langue bien pendue qu’on aime bien retrouver de temps en temps avant que la cirrhose ait raison de lui. Bref, voilà une avant-dernière aventure de Jack Taylor qui saura séduire les inconditionnels du personnage dont nous sommes ; pour les autres, ceux qui ne le connaissent pas encore, mieux vaut commencer par le début de la série (Delerium Tremens, Toxic Blues…).

Ken Bruen, Sur ta tombe (Headstone, 2011), Fayard Noir, 2013. Traduit par Catherine Cheval et Marie Ploux.

Du même auteur sur ce blog : La main droite du diable ; Munitions ; Le Démon.

Publié dans Noir irlandais

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