Sombre avenir : Lumière de fin, d’Henry Porter

Publié le par Yan

 

arton26458-a0b72.jpgJournaliste de formation, Henry Porter s’est fait durant les années 2000 une spécialité du roman d’espionnage, genre qu’il a sans nul doute contribué à renouveler à travers des romans comme Une vie d’espion, Nom de code : Axiom Day ou encore  Empire State.

Avec Lumière de fin, Porter fait une incursion dans la dystopie en nous présentant une Angleterre où, dans un avenir proche, le gouvernement en place s’est accordé avec une société privée afin de pouvoir surveiller au plus près la vie privée des citoyens, et s’est arrogé, par le biais de lois ou d’articles de lois discrètement votés, les moyens de mettre la démocratie entre parenthèses.

C’est ce que découvre, au début de l’ouvrage, Kate Lockhart, talentueuse avocate exerçant aux États-Unis, ancienne des services secrets britanniques, revenue en Angleterre pour assister aux obsèques de son meilleur ami, David Eyam. Eyam, brillant conseiller du Premier ministre, avait mis fin à sa carrière dans des circonstances troubles et a fini par trouver la mort dans un attentat lors d’un voyage en Colombie. Cependant, Kate va découvrir qu’Eyam a laissé derrière lui des traces, des indices, l’incitant à se pencher sur les méthodes utilisées par le gouvernement pour tenir la population à l’œil. Elle se trouve dès lors au cœur d’un immense complot duquel elle va devoir tenter de s’extraire tout en faisant éclater la vérité.

On peut pour commencer saluer l’ambition du roman d’Henry Porter, œuvre de très légère anticipation basée sur des textes de lois déjà votés en Grande-Bretagne depuis le début des années 2000, et en particulier après le 11 septembre 2001 et les attentats de Londres de juillet 2005. Il en ressort une histoire à la fois crédible et bien dans l’air du temps qui déroule le fil d’une problématique valable aujourd’hui dans tous les pays occidentaux et qui fait son lit des crises et du populisme, ainsi que l’exprime clairement Kate Lockhart :  

                 « Selon toutes les analyses, le public doit avoir une certaine forme de responsabilité là-dedans. Quand tout cela a commencé dans les années Blair, personne ne s’en est inquiété. Personne ne s’est soucié de l’État en tant que base de données. Quand on leur a dit que toutes leurs communications, leurs déplacements et leur vie pouvaient être inspectés par le gouvernement, les gens s’en sont moqués. Ils ont continué en se disant que le gouvernement garantissait un peu plus leur sécurité. Vous êtes-vous jamais dit que les gens s’en moquent peut-être, tout simplement, qu’ils ne veulent pas être dérangés ou croient avoir des choses plus importantes auxquelles réfléchir ? »

Il est clair que l’expérience de journaliste politique de Porter est ici essentielle pour extraire des vérités et les étirer de manière crédible sans sombrer dans la caricature. De plus, Porter aime à peindre des personnages aux motivations et aux personnalités complexes qui jouent des parties serrées de billard à trois, quatre ou cinq bandes.

En l’occurrence, c’est aussi là que, dans Lumière de fin, le bât blesse quelque peu. À développer une intrigue particulièrement compliquée, avec une multitude de personnages souvent ambivalents, Henry Porter prend le risque de parfois égarer le lecteur. Voire à le perdre s’il n’a pas l’opiniâtreté de passer les quelques 100 ou 150 premières pages de ce roman (qui en compte 500) nécessaires pour la mise en place de l’intrigue, mais dont la lecture s’avère parfois laborieuse. 

On pourra rétorquer à cela, bien entendu, que la politique en général est une affaire complexe dont la compréhension peut s’avérer elle aussi laborieuse (il n’y qu’à voir, près de nous, l’affaire Karachi et ses multiples connexions). C’est un fait. Reste à savoir si l’on est prêt à faire l’effort de s’y intéresser dans le cadre d’un roman.

Si tel est le cas, Lumière de fin apparaît comme un livre particulièrement abouti et stimulant, malgré peut-être une fin un peu téléphonée et un brin emphatique. Sinon, on pourra se tourner avec profit, sur une thématique proche, vers le Quelque chose de pourri au royaume d’Angleterre, de Robin Cook, tout aussi efficace et sans doute plus accrocheur.

Henry Porter, Lumière de fin, Calmann-Lévy, coll. Robert Pépin présente…, 2011. Traduit par Raymond Clarinard.

Du même auteur sur ce blog : Empire State.

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