Casino Amazonie, d’Edyr Augusto
On retrouve avec bonheur Edyr Augusto et sa peinture sans fard de Bélem entre bas-fonds et hautes sphères du pouvoir local. Entre les deux, des femmes, des hommes, de la drogue, du vol, de la corruption, du jeu, des morts, et même un autre danger qui guette : l’amour.
Goró est écrivain et il s’intéresse à la disparition de Clayton Marollo, médecin de son état, propriétaire de cliniques et, accessoirement, patron de cercles de jeu clandestins. C’est ainsi qu’il rencontre Bronco, le nouveau boss, qui va lui raconter cette histoire qu’il ne peut plus garder pour lui :
« Putain, je sais que je vais me mettre dedans, mais la vanité, c’est une sacrée saloperie. Oui, bordel, je voulais te voir. J’en dors presque plus. Cette histoire qui t’intéresse tellement pour ton bouquin, tu sais ? Ben elle me démange la langue, cette histoire. »
C’est celle de Marollo, bien entendu, mais c’est aussi celle de Gio, l’orphelin beau comme un dieu que Zazá, la tenancière naine d’une boîte où on ne fait pas que danser avec les filles, prend sous son aile et dans son lit. C’est aussi celle de Paula, très belle, et exceptionnelle joueuse de poker. Ensemble, Paula et Gio vont s’élever dans le petit empire de Marollo. Gio prend soin de Paula : elle lui appartient. Marollo prend soin de Gio et Paula : ils sont sa propriété. Tous les trois plument le gratin de la société de Bélem, trafiquent et corrompent. Une bien belle histoire. Mais il y a aussi Paulo, l’amoureux déçu, et Aragão, le médecin qui aime étrangler des marginaux. Les rues ne sont pas sûres et les vies ne tiennent qu’à un fil.
On croit qu’après déjà quatre livres on s’est habitué à la manière dont Edyr Augusto nous conte la société de sa ville amazonienne, mais le fait est qu’il arrive encore à nous surprendre et même à nous saisir.
Cela tient bien entendu à ce tableau brutal d’une société déliquescente dans laquelle il ne semble plus exister aucune lueur d’espoir. Ici, aucune bonne action ne reste impunie, pour la simple raison peut-être qu’aucune bonne action ne semble être faite sans arrière-pensée. On vole. On tue. Et on aime moins pour donner de l’amour que pour recevoir une meilleure image de soi-même. Si Gio ou Paula peuvent quelques temps paraître innocents, ils ont tôt fait d’être à leur tour contaminés par la corruption de Bélem. Quant aux rares personnages qui ne le sont pas, la fatalité aura raison d’eux.
L’histoire âpre que conte Edyr Augusto est par ailleurs soutenue par une écriture une nouvelle fois surprenante que rend avec talent le traducteur, Diniz Galhos. Les dialogues se fondent dans la narration et participent ainsi de l’impression qu’à le lecteur d’être entraîné dans un véritable tourbillon. Autant dire que s’engager dans la lecture de Casino Amazonie revient à plonger en apnée dans un récit dont on mettra du temps à sortir, même après avoir refermé le livre.
Edyr Augusto, Casino Amazonie, Asphalte, 2021. Traduit par Diniz Galhos. 201 p.
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