Pssica, d’Edyr Augusto

Publié le par Yan

La pssica, c’est la malédiction. Et c’est peu dire que les personnages que met en scène Edyr Augusto dans ce roman sont maudits. Janalice, collégienne envoyée vivre chez sa tante, à Belém, après que ses parents ont découvert qu’une vidéo intime la mettant en scène avec son petit ami a été diffusée sur les réseaux sociaux, est enlevée et tombe entre les mains de trafiquants d’humains. Manoel Tourinhos, a fui l’Angola et a refait sa vie sur une île du delta de l’Amazone jusqu’à ce que des pirates décident de braquer son commerce et mutilent et tuent sa femme. Preá monte dans la hiérarchie des pirates du delta, mais dans un monde de prédateurs, il est compliqué de garder sa place et son statut. Amadeu quant à lui, est un policier à la retraite, ami du père de Janalice. Pour rendre service il va enquêter sans grande conviction au départ sur sa disparition… jusqu’à ce que son désir de la retrouver finisse par devenir une obsession, au risque de se perdre lui-même.

Comme Edyr Augusto, qui, dès les premières lignes, lance son roman bille en tête, nous n’irons pas par quatre chemins : Pssica est un livre d’une violence extrême, sans temps mort, souvent dérangeant et, si l’on peut regretter une dernière partie sans doute trop vite expédiée, dont la relative brièveté (138 pages auxquelles est adjointe une postface perspicace de Daniel Galera) renforce encore le caractère débridé : « un récit qui ne se donne même pas la peine de démarrer avant d’accélérer » dit à raison Galera. Pour autant, comme dans les précédents romans d’Edyr Augusto, aussi inconfortable soit-elle, la violence de Pssica n’est ni gratuite, ni une manière de voyeurisme et elle tient autant aux actes décrits qu’à l’écriture en rafale de l’auteur.

De tout cela il ressort, comme de Belém, Moscow et Nid de vipères, une description sans fard de la violence sociale qui règne là. De la manière dont la corruption qui gangrène monde politique et administration a fini par imposer un nouvel ordre social que la population a dû se résigner à accepter car, là où l’État n’est plus présent, c’est ce nouvel ordre qui semble assurer aux yeux des gens un semblant d’espoir d’avoir quelque chose sur la table le lendemain. Augusto, sans se faire lénifiant, par la simple et crue description des avanies qui s’abattent sur ses personnages, laisse deviner les ressorts de cet état de fait, la précarité de l’équilibre qui se met en place et la manière dont tout peut basculer l’espace d’un instant. Et encore une fois il montre comment ce sont les plus pauvres et les femmes qui paient le plus lourd tribut, simples marchandises dans monde totalement dérégularisé dont profite par ailleurs le riche voisin. Les pages consacrées à la Guyane française sont d’ailleurs tout aussi violentes que celles qui se déroulent au Brésil et, là encore, représentent une charge salutaire.

Une fois encore Edyr Augusto impressionne par la brutalité de son écriture et la rage qui émane de ses histoires. Féroce et engagé, Pssica vous laisse groggy.

Edyr Augusto, Pssica (Pssica, 2015), Asphalte, 2017. Traduit par Diniz Galhos. 142 p.

Sortie le 9 février 2017.

Du même auteur sur blog : Belém ; Moscow ; Nid de vipères ;

Publié dans Noir latino-américain

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