Portraits cannibales, de Dominique Forma

Publié le par Yan

Une photo, une histoire, telle est la simple équation du petit recueil proposé par Dominique Forma dans le petit livre que publient les éditions Marest. Sophia Loren d’un côté, Fritz Lang de l’autre, et un texte à propos de La Grande bouffe en guise d’intermède, sont prétexte pour Forma à ne pas se « soumettre à l’authenticité biographique ».

Sofia, avant la Sophia dont les jambes gainées dans des bas illustrent la très belle couverture de cette édition, est une bâtarde affligée d’un disgracieux physique de cure-dent, mais sa mère l’a décidé. La jeune fille aura la carrière cinématographique qu’elle n’a pu avoir. Sofia va découvrir les studios de Cinecittà et pénétrer clandestinement cette fourmilière dans laquelle officient nombre de prostituées qui viennent assouvir les désirs des employés des lieux. Celle que l’on va appeler ici la Simpatica, va s’y faire remarquer et pas seulement par sa capacité offrir ses services bien spéciaux. Car derrière la jeune fille timide émerge la confidente qui est aussi une femme ambitieuse qui sait à la fois ce qu’elle veut et ce qu’elle vaut. Tout cela finira par mener à une ultime photo, avec une jambe, encore.

Il en va de même de Fritz Lang. Une photo, encore une fois, que l’on découvrira à la fin du texte, vient stimuler l’imagination de Dominique Forma qui raconte une bien étrange amitié dont les liens solides se tissent autour de confessions de l’un et de silences de l’autre.

Il aurait été facile, sous l’angle que choisit Dominique Forma pour aborder ces sujets, de verser dans le scabreux. Mais derrière la saleté – physique, morale – l’auteur offre là des textes que l’on sent écrits avec amour et dont surgissent de grandes émotions. Si l’écriture est charnelle, elle ne devient jamais voyeuriste et, en fin de compte, jouit d’une certaine retenue, d’une discrète politesse. Elle révèle un véritable amour du cinéma et de ceux qui le font. Dominique Forma revendique son droit au pas de côté pour observer tout cela sous un angle différent, et l’on prend un évident plaisir à regarder par-dessus son épaule les histoires qui défilent.

Dominique Forma, Portraits cannibales, Marest éditions, 2019. 119 p.

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