Voyoucratie, de Dominique Forma
Francis le Parisien, gros caïd de la capitale, se rangerait bien des voitures. Mais avant de passer la main à Buko, son associé, il voudrait s’assurer que ce dernier lui est vraiment fidèle. Afin de tester son partenaire, Francis lance donc une rumeur : il aurait braqué un caïd de cité, Kahous, lors d’un deal avec des Marocains, et n’aurait pas versé la part qui lui revenait à Buko. Et Francis d’attendre la réaction de son associé sans se douter qu’il vient de lancer une réaction en chaîne qui risque de lui exploser à la figure.
Avec un début pareil, on comprend bien vite que Dominique Forma ne compte pas nous immerger au milieu d’une convention de prix Nobel. La bêtise crasse de l’idée de Francis semble sauter aux yeux de tout le monde – auteur et lecteur – à l’exception des protagonistes de l’histoire tellement préoccupés par le pouvoir et un supposé code d’honneur, qu’ils se trouvent dans l’incapacité de prendre le moindre recul sur leurs actes et encore moins sur ce des autres. À l’exception de Kahous, propulsé au milieu de ce jeu de quilles contre sa volonté et auquel sa position à la périphérie – géographique comme « professionnelle » – du Milieu et son absence totale de scrupules confèrent un temps d’avance sur des « beaux mecs » sur le retour fâchés avec la logique la plus élémentaire et incapables de tenir leurs hommes.
Dominique Forma ne semble pas vouloir dresser ici un portrait réaliste de la pègre, pas plus qu’il ne se lance dans un de ces ouvrages qui tendent à donner du Milieu une image poétique et tragique, comme un de ces derniers lieux où la parole donnée a une valeur et où un code d’honneur disparu partout ailleurs serait encore suivi à la lettre. C’est donc un jeu de massacre tragicomique qui se déroule sous nos yeux qui voient peu à peu se former une sorte de cortège carnavalo-funèbre composé de gangsters bas du front et d’employés de supermarché en route pour un temple sado-maso.
Sans temps mort, avec une ironie féroce de série Z, Dominique Forma nous livre un roman réjouissant, un jeu de massacre halluciné entre crétins. Sans doute pas le roman de l’année, ni même du mois, mais un livre qu’il faut prendre pour ce qu’il est, ni plus ni moins ; un honnête divertissement bien réussi.
Dominique Forma, Voyoucratie, Rivages/Noir, 2012.
Du même auteur sur ce blog : Hollywood Zero ; Amor ; Albuquerque ;