Amor, de Dominique Forma
Maximilien et Camille sont un couple épanoui. Il est professeur d’économie dans une université parisienne, elle travaille pour le service culturel d’une commune plutôt huppée des bords de Seine. Camille et Maximilien arborent tous les signes extérieurs de boboïtude et vivent une sexualité qui sans être débridée est à la fois inventive et torride. Alors qu’ils louent une maison dans l’arrière-pays provençal, ils décident de faire un tour à la plage. C’est là qu’ils rencontrent Viviane, jeune fille un peu paumée qui tente de vendre de l’artisanat indien et se trouve en butte à la concurrence sauvage d’autres marchands ambulants. Le couple aide la jeune femme et l’accueille d’autant plus facilement qu’elle noue une relation très forte avec leur enfant de six ans. Et puis, bien vite, Viviane entre dans leur lit et devient, le temps de quelques jours, puis de quelques semaines, un axe autour duquel se mettent à tourner leur vie et leur sexualité. Jusqu’à ce que, remarqué par un économiste en vue dans les médias et dans le parti au pouvoir, Maximilien voit s’ouvrir devant lui la possibilité d’être reconnu et même d’entrer en politique. Dès lors, Viviane devient encombrante, mais elle ne veut pas forcément quitter le couple.
Dominique Forma nous l’avait montré l’an dernier avec Hollywood Zero, il aime gratter le vernis des apparences pour faire apparaître si ce n’est la vérité, au moins une autre vérité, et les contradictions de ses personnages. Il s’y emploie encore ici avec un bel enthousiasme.
Ni roman érotique, bien que les scènes de sexe soient ici plutôt explicites et, surtout, écrites à la fois avec élégance et humour, ni roman politique malgré un arrière-plan qui pointe avec précisions les faux-semblants et les petits arrangements d’un milieu dans lequel les idées ne sont rien face à la course au pouvoir et la dictature des apparences, Amor est surtout, comme son titre l’indique, un livre sur l’amour mais aussi sur le reniement. La difficulté à entretenir cet amour quand l’ego finit par prendre le pas sur le reste, le reniement des idéaux quand ils se trouvent confrontés à la réalité. Bien vite, Maximilien et Camille vont aller de désillusion en désillusion sans jamais chercher à remettre en question la direction que prend leur vie. Le professeur plutôt de gauche et sa femme, engagée elle aussi, ont tôt fait de considérer l’inculte Viviane comme un objet qu’ils possèdent et dont ils peuvent se débarrasser. Maximilien est prêt à lâcher ses idéaux pour un strapontin politique local quitte à entrer avec son nouveau mentor dans une relation de soumission qui évoque celle que peut avoir Viviane vis-à-vis de lui et Camille. Quant à cette dernière, elle n’hésite pas à mettre sa carrière de côté et à poser un mouchoir sur ses sentiments à l’égard de Viviane quand il s’agit de se mettre au service exclusif de son homme.
Étude de mœurs et thriller efficace, portrait acide d’une certaine petite bourgeoisie faussement libérée, Amor est un roman noir cynique et plaisant.
Dominique Forma, Amor, Rivages/Thriller, 2015.
Du même auteur sur ce blog : Voyoucratie, Hollywood Zero, Albuquerque,