Le Parisien, de Jean-François Paillard
Pour leur premier polar français, les éditions Asphalte proposent un point de départ on ne peut plus classique. C’est en effet ici le thème bien connu de l’homme de main trahi par ses employeurs que reprend Jean-François Paillard. L’homme de main, en l’occurrence, c’est ce parisien du titre, Nicolas, dit Narval, qui débarque à Marseille. Vétéran de l’armée qui a opéré sur tous les terrains de conflits du début des années 1990 à l’aube des années 2000, de l’Irak a l’ex-Yougoslavie en passant par l’Afrique centrale, cet homme miné par les séquelles autant physiques que psychologiques de ces guerres, est employé par des hommes du maire de la ville pour bousculer un caïd qui se croit un peu trop vite arrivé. Rapidement, cependant, Narval flaire l’embrouille, ce qui lui évite de tomber dans le traquenard qui lui a été tendu afin de lui faire porter le chapeau de l’élimination pure et simple dudit caïd. Dès lors, comme de coutume dans ce genre d’intrigue, Narval n’a qu’une idée en tête, faire payer ceux qui ont voulu se servir de lui.
La manière dont les tribulations de Narval dans Marseille, à la poursuite des gangs corses et de la Castellane qui ont voulu l’éliminer, le mènent du port autonome aux limites des calanques en passant par la gare Saint-Charles et le Vélodrome, s’intègre parfaitement dans le projet éditorial d’Asphalte. C’est une manière comme une autre de révéler les dessous pas toujours propres d’une ville qui se prête parfaitement à ce type de roman de genre, non seulement par ce qu’elle est, mais aussi par tout ce qu’elle peut charrier de clichés dans l’imaginaire collectif. Et les clichés du genre qu’utilise Jean-François Paillard viennent encore y faire écho. C’est, avec le rythme enlevé du roman, ce qui constitue l’intérêt du Parisien.
On sera de fait un peu plus circonspect sur la manière dont les personnages sont construits. On sent en effet dans le récit de Jean-François Paillard une certaine difficulté à trouver la bonne distance entre une écriture « behaviouriste » dans laquelle les actes des personnages se suffiraient à eux-mêmes et la volonté de donner dans ce récit à la première personne une explication aussi ténue soit-elle, ou à tout le moins une motivation, au comportement de Narval par le biais d’un passé – ou passif – lourd qui ne cesse de ressurgir dans ses pensées. En se plaçant dans cet entre-deux inconfortable, on a la sensation que l’auteur n’arrive pas à donner une véritable chair à son héros tandis que tout ce qui se passe autour de lui finit simplement par relever du simple décorum.
Ce qui permet au Parisien d’éviter la sortie de route, c’est en fin de compte, donc, son rythme et, cela mérite d’être signalé, une écriture agréable – au risque parfois, d’ailleurs, de se laisser entraîner par le seul plaisir de la bonne phrase. Honnête polar porté par une action sans temps mort mais auquel il manque certainement une réelle épaisseur, Le Parisien, est une lecture sympathique. Ni plus, ni moins.
Jean-François Paillard, Le Parisien, Asphalte, 2018. 240 p.