Micron Noir, de Michel Douard
En 2048, la guerre c’est cool. C’est cool pour ceux qui la regardent pour ce qu’elle est devenue, un règlement des conflits interétatiques par voie de téléréalité, et c’est cool pour ceux qui la font, comme le héros du roman et son compagnon Gros Luc, grassement payés et chargés comme des mules avec une drogue de synthèse, le micron noir. Le problème, c’est que Gros Luc a mis un doigt dans le trafic en jouant les intermédiaires entre la Famille, organisation criminelle nimbée d’une aura vaguement révolutionnaire dans ce monde où la population, paupérisée, en veut à ses dirigeants, et Nathan Elmar, un officier intégriste chrétien de l’armée de la Fédération. Ainsi s’engage une traque dont le héros, son père et son ami, dans un monde ultra surveillé et ultra divisé, sont les proies.
Pour diverses raisons – et ma méconnaissance du genre n’est certainement pas la moindre – j’ai toujours un peu de réticence à me lancer dans la science-fiction en général, et française en particulier. Mais le fait est que l’argument du roman, cette Guerre Nouvelle dans un monde qui nous est étrangement proche, finalement, avait quelque chose de séduisant.
Et en effet, ça fonctionne on ne peut mieux. D’abord parce que Michel Douard sait mener efficacement le récit de la traque, enchaînant les différents points de vue pour révéler petit à petit le rôle de chacun et faire monter le suspense. Ensuite et surtout parce qu’il livre là un récit dystopique particulièrement réussi en ce qu’il est fait avec finesse. En dehors de la Guerre Nouvelle, qui nécessite un minimum d’explication pour poser le sujet du roman, l’auteur, pour créer ce monde si proche de celui que nous connaissons et pourtant bien différent, joue sur de petits détails : l’importance de ces drones omniprésents, le réchauffement climatique qui transparaît à travers les descriptions, une jeune fille défigurée par la chirurgie esthétique… Tout cela, fait sans jamais verser dans la démonstration laborieuse, crée plus qu’une atmosphère, un monde que l’on reconnaît alors qu’il nous est étranger.
Palpitant, violent et par bien des aspects fascinant, Micron Noir est une réelle réussite du genre. Et le premier roman de Michel Douard, Chinese Strike, qui repose depuis plusieurs mois sur mes étagère et paraît simultanément en poche sous le titre Mourir est le verbe approprié (Pocket), remonte dans mes projets de lectures.
Michel Douard, Micron Noir, La Manufacture de Livres, 2015. 272 p.