Cannibal Tour, d’Anouk Langaney
Khaya-Re, île perdue dans un vaste océan a derrière elle une tradition de cannibalisme rituel. Mais ce territoire français un peu oublié de la métropole a depuis plusieurs décennies abandonné ses coutumes anthropophages. Au lieu de bouffer leurs ennemis, les guerriers de l’île se contentent d’entretenir quelques traditions animistes et, surtout, d’essayer de survivre au quotidien sur ce caillou planté au milieu des flots sans véritable attrait touristique et économiquement sinistré.
Mais la découverte de deux cadavres qui ont de toute évidence été cuisinés change la donne. Surtout au moment où débarque sur l’île la représentante d’un tour operateur venue se renseigner sur le potentiel touristique de Khaya-Re.
Vue en grande partie à travers les yeux d’Oscar, jeune enseignant de lettres tout juste arrivé qui tient le rôle du candide, l’histoire d’Anouk Langaney tire la plus grande partie de son originalité de ce regard légèrement décalé sur l’île et sur les événements. Car si l’intrigue est extrêmement classique avec un final qui tient pour beaucoup d’un épisode de Scoubidou, Cannibal Tour est un roman qui a surtout pour lui de jouer de cet exotisme de pacotille pour mieux mettre en exergue les travers d’une métropole peu soucieuse de ses citoyens les plus lointains mais aussi ceux de ces insulaires partagés entre des traditions souvent vécues comme de fastidieuses obligations et la tentation du folklore à outrance susceptible d’attirer quelques curieux. Pas besoin d’être grand clerc pour voir où Anouk Langaney, qui demeure en Corse et est éditée par Albiana, veut en venir.
Enseignants vivant leur mutation au mieux comme un voyage exotique avant de repartir, au pire comme une punition, faux sages locaux, jeunesse désœuvrée… tout le monde en prend donc pour son grade. Cela donne de forts bons passages menés avec un humour parfois grinçant, souvent aussi chargé d’une certaine empathie envers des personnages qu’Anouk Langaney n’hésite cependant pas à bousculer.
Reste qu’à vouloir mettre en scène la quasi-totalité de l’île qu’elle a imaginée, l’auteure tend à perdre le lecteur dans de trop longs développements. La volonté qu’elle a de trop expliquer les actions de chacun, de décrire minutieusement chaque personnage et son histoire, provoque un effet d’accumulation qui rend la lecture par trop roborative.
Bonne idée au départ, Cannibal Tour aurait certainement mérité un travail éditorial plus poussé et que l’on n’hésite pas à tailler un peu dans la masse. Pas déplaisant et même assez souvent amusant, le roman d’Anouk Langaney aurait, déchargé de ce poids et avec des personnages caractérisés de manière plus légère, gagné en efficacité et en capacité à accrocher le lecteur.
Anouk Langaney, Cannibal Tour, Albiana, 2014.