À côté de la plaque, de Marc Behm

Publié le par Yan

acote.jpgPatrick Nelson, millionnaire oisif et fantasque gère plus ou moins un garage à Los Angeles. Souffrant d’insomnies, il se plaît à s’immerger dans ses lectures pour en devenir le héros ou à imaginer d’autres aventures. Ainsi peut-il être tour à tour l’agent Pat Nelson traquant Jack l’Éventreur (en fait un nain de la famille de la reine Victoria) dans le quartier de White Chapel ou Patrick Nelson (aussi connu sous le nom de Bwana-Gros-Gibier), explorateur américain à la recherche de la cité perdue africaine d’Ophir. Ce sont ces mêmes insomnies qui l’amènent à croiser dans son quartier Le Boucher, tueur en série qui terrifie la ville, et Jenny, le séduisant inspecteur chargé de l’enquête. Pour attirer l’attention de la belle policière, Patrick va laisser des indices qui font de lui le suspect idéal.

À côté de la plaque, Patrick Nelson l’est bien. Et la police aussi. Et le lecteur un peu, qui se laisse mener par le bout du nez par un Marc Behm qui joue avec les codes du thriller comme avec ceux du roman d’aventure.

Si le pastiche est clairement mis en avant dans le journal de bord de Patrick Nelson, explorateur américain, dans lequel l’auteur prend un malin plaisir à caricaturer l’emphase des romans d’aventures verniens (On pense bien entendu à Cinq semaines en ballon) ou de Conan Doyle, période professeur Challenger – batailles épiques de guerriers aveugles s’entretuant, femelles babouins nymphomanes, attaques de fourmis tueuses et câlins masturbatoires de papillons – il se fait un peu plus discret lorsqu’il s’agit de l’histoire du serial killer de laquelle émane une noirceur certaine.

Tout n’est pas que caricature dans ce roman baroque aux élans parfois burlesques. C’est bien là que Marc Behm est très fort. Après nous avoir appâté d’entrée par le biais de son humour décapant, il nous entraîne dans une histoire bien plus noire et bien plus ambigüe qu’il n’y paraît. Le suspense et l’humour sont bien là, mais aussi, en filigrane, une belle réflexion sur la solitude et le pouvoir de l’imagination.

Nul doute que beaucoup d’écrivains qui produisent du serial killer comme un charcutier vous débite de la saucisse au kilomètre pourraient en prendre de la graine.

Marc Behm, À côté de la plaque (Off the Wall, 1991), Rivages/Thriller, 1992. Rééd. Rivages/Noir, 1994. Traduit par Nathalie Godart.

Merci à Hind pour le conseil de lecture.

Publié dans Noir américain

Commenter cet article

L
Marc Behm est un de mes auteurs préférés. Il est juste, drôle, subversif. Fan absolue, je ne peux que te conseiller "Et ne cherche pas à savoir" et "La vierge de glace". Tu vas kiffer !
Répondre
Y
C'est noté. Merci pour les conseils.
F
Quel génie ce Marc Behm ! Toujours étonné qu'il ne soit pas plus connu et reconnu. Donc merci pour ce post. Personnellement, je trouve que "A côté de la plaque", quoique excellent, est un de ses<br /> romans les plus "classiques". Pour bien apprécier le style unique de Behm, il faut absolument lire "Mortelle randonnée", "Tout un roman" et bien sûr le chef-d'œuvre : "Et ne cherche pas à savoir".
Répondre
Y
<br /> <br /> Je note, je note. Merci!<br /> <br /> <br /> <br />
O
Lu un seul Marc Behm, il y a une quinzaine d'années, qui ne m'avait pas donné envie d'y revenir... et boum! Une chronique qui d'un coup me fait réviser mon jugement !! Mince, pense à ma PàL,<br /> camarade !
Répondre
Y
<br /> <br /> Bon... tu m'en diras des nouvelles à l'occasion, alors. Désolé pour ta PAL!<br /> <br /> <br /> <br />
J
Marc Behm est un auteur qui n'a pas été reconnu à sa juste valeur (à mon humble avis). J'ai aimé tous ses titres capables de passer de l'humour le plus noir (avec la série Lucy) au plus étrange et<br /> passant par le plus sombre comme La reine de la nuit.<br /> Un grand à découvrir sans faute.
Répondre
Y
<br /> <br /> Je le découvre seulement et je crois comprendre que j'ai du retard à rattraper.<br /> <br /> <br /> <br />