Trop près du bord, de Pascal Garnier
Éliette vieillit. Veuve, elle s’est installée en Ardèche, loin de ses enfants et de ses amis, dans ce qui était la maison de vacances familiale. Partagée entre le côté grisant de cette liberté et la solitude qui la flétrit, c’est avec la sensation de se trouver face à un nouveau croisement dans son existence qu’elle accueille un jour chez elle un inconnu tombé en panne. Et, en effet, sa vie va changer du tout au tout : alors que ce mystérieux étranger entre dans sa vie, le fils des voisins se tue en voiture, la fille du visiteur impromptu déboule avec de l’insolence et deux kilos de cocaïne à revendre et Éliette, sevrée de sexe depuis des mois, découvre avec surprise et effroi qu’elle ne laisse pas forcément les hommes qu’elle croise indifférents.
La vieillesse et ce que l’on en fait, l’impossible retraite paisible, le repliement sur soi-même et la solitude, l’arrivée bénite ou maudite de l’étranger, comme dans Lune captive dans un œil mort, La place du mort et La théorie du panda, sont des thèmes forts chez Pascal Garnier. Et c’est tout cela à la fois que l’on retrouve dans Trop près du bord.
Comme toujours, Garnier réussit à allier une réelle tendresse envers ses personnages et un cynisme implacable. Chacun, à un moment ou un autre dévoilera le pire et le meilleur côté de sa personnalité, mais c’est bien la noirceur qui reste prégnante. Si des éclaircies existent, si l’on peut parfois vivre des moments heureux, si l’on peut toujours essayer de se racheter, il semble toujours chez Pascal Garnier que l’être humain, par nature, et les hasards de la vie complotent pour rendre impossible tout bonheur définitif. Et c’est bien ce que prouve une fois de plus l’enchaînement – pas toujours fluide, un peu forcé parfois dans ce roman – des événements ; la machine s’emballe et, comme l’indique le titre, les personnages vont s’approcher trop près du bord, au risque de basculer.
S’il n’est certainement pas le meilleur des romans de Pascal Garnier, ce court (comme toujours) et cruel livre demeure toutefois encore au-dessus d’une majorité de la production noire française. Car Garnier, pessimiste en diable, sait mieux que quiconque sonder l’âme humaine ordinaire, s’intéresse aux gens comme lui, comme nous, et à ce qui peut les faire basculer. Parce qu’il le fait bien, avec des mots qui touchent leur cible directement, sans qu’il soit besoin d’une quelconque affèterie dans le style. Bref, une fois de plus, voici un roman plus que recommandable.
Pascal Garnier, Trop près du bord, Fleuve Noir, 1999. Rééd. Points roman noir, 2013.
Du même auteur sur ce blog : Lune captive dans un œil mort ; La théorie du panda ; La place du mort ; Comment va la douleur ? ;