Road tripes, de Sébastien Gendron

Publié le par Yan

roadtripes« Déclencher un incendie, je n’avais jamais fait. Agresser un motard, non plus. Provoquer un accident de voiture, encore moins. La course-poursuite avec la maréchaussée, en toute logique, était elle aussi une première. Je découvrais un monde, celui de la route, où tout devenait possible. On prenait le volant et tout pouvait commencer. J’étais en train de comprendre ce grand sentiment de liberté qui suintait des road movies américains. Carell et moi, on était Peter Fonda, Dennis Hopper, James Taylor, Warren Oates, Robert Blake, Barry Newman : les aigles du bitume, les seigneurs de la ligne discontinue, les princes du pot d’échappement. »

Largué par sa femme, flirtant avec l’alcoolisme, de retour chez ses parents à quarante ans, Vincent s’est résolu à trouver un travail de distributeurs de prospectus publicitaires. C’est là qu’il rencontre Carell. Laid, bête, espèce de grand enfant sociopathe, ce dernier entraine Vincent dans une épopée dans le sud de la France sous le signe de la déglingue la plus totale, entre vols de voitures, braquage de DAB, incendies de forêt et agressions diverses.

Sébastien Gendron est fan de Tim Dorsey (amen) et le moins que l’on puisse dire et que cela se sent, même s’il n’est pas toujours facile de transposer  Florida Roadkill dans la Creuse où l’Aveyron. Avec son duo de paumés lancés dans un jeu de massacre en plein pendant les vacances d’été dans la diagonale du vide, il offre au lecteur un vrai bon moment de délire sans limites. C’est avec un réel plaisir que l’on voit le fade Vincent, loser un peu coincé, se laisser entraîner dans le sillage du complètement décomplexé Carell et accumuler les crimes minables et les réflexions pseudo-philosophiques sur leur condition.

Dans ce roman qui emprunte autant, donc, à Tim Dorsey qu’au buddy movie qui voit cohabiter deux personnalités antagonistes forcées par les circonstances de s’allier pour le meilleur et pour le pire, Sébastien Gendron se laisse aller à une œuvre de destruction aussi jouissive que gratuite pendant une grande première partie avant de s’assagir quelque peu sur la fin avec la mise en place d’une intrigue-prétexte censée donner un semblant de sens à l’épopée de ses deux antihéros et avec quelques éclairages sur les histoires respectives de ces derniers. Si l’on a moins apprécié cette dernière partie (après tout, l’absence de raison à ce réjouissant jeu de massacre rendait tout cela plus délirant, mais peut-être faut-il rassurer le lecteur en lui donnant des explications), il n’en demeure pas moins que l’on a encore passé un bon moment de lecture ponctué de francs éclats de rire. Et ça fait du bien.

Sébastien Gendron, Road tripes, Albin Michel, 2013.

Du même auteur sur ce blog :  Quelque chose pour le week-end ; La revalorisation des déchets ; Révolution ; Fin de siècle ;

Publié dans Noir français

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P
Lu sur tes conseils, avec un drôle d'impression dès le départ. Un roman qui commence à Carbon Blanc (!) avec du bordeluche de derrière les fagots (Mes Chouanes!), j'en étais toute perturbée, mais<br /> j'ai bien ri. Merci.
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Y
<br /> <br /> Aaaannnqui!<br /> <br /> <br /> <br />