Fin de siècle, de Sébastien Gendron
« J’en ai marre d’être toujours invité dans des tables rondes "polar et humour". Mon prochain roman sera un pur roman noir. » Ainsi parlait il y a quelques temps Sébastien Gendron, après la sortie de son précédent roman Révolution. Le résultat de cette profession de foi, de ce changement de paradigme, arrive maintenant en librairie. Il s’appelle Fin de siècle, ce qui, on en conviendra, sent bon le pur roman noir.
C’est donc une histoire de mégalodons.
Le mégalodon, pour ceux qui ne le sauraient pas, est un requin préhistorique. Il se trouve que, à l’orée des années 2020, une espèce géante de cette créature que l’on croyait disparue depuis bien longtemps, a commencé à bouloter tout ce qui tombait sous ses rangées d’énormes dents. Résultat, au début de ce nouvel ouvrage de Sébastien Gendron, seule la Méditerranée, protégée par deux herses gigantesques posées à Gibraltar et à l’entrée du canal de Suez, est épargnée par ce fléau autrement plus inquiétant que la réapparition quelques années auparavant de pingouins géants cocaïnomanes. C’est donc sur les rives de la Grande bleue que les populations les plus aisées sont venues s’installer. C’est là aussi qu’officie un tueur psychopathe et que se cache Asta Roth, artiste anonyme et trafiquant d’art. Ah, oui… C’est aussi depuis son orbite au-dessus de la Méditerranée qu’un fils à papa milliardaire envisage d’effectuer le saut en parachute le plus haut de l’histoire. Et aussi, il y a un agent du FBI. Et j’ai failli oublier : le fonds de pension qui a racheté l’entreprise qui gère les herses a dégraissé ses effectifs et, apparemment, tout cela n’est plus très hermétique.
Ainsi donc, Sébastien Gendron, comme promis, nous offre un roman d’une grande noirceur qui dénonce à la fois les dérives du business de l’art, la recherche constante d’une hypothétique gloire médiatique, l’horreur économique et l’incapacité des États à faire face à l’urgence climatique. Accessoirement, tout cela, dans un pur délire, nous entraîne d’une scène incroyable à l’autre, que ce soit une éviscération aussi parfaite qu’amusante ou le réjouissant découpage à la meuleuse des tulipes de Jeff Koons. Sébastien Gendron prend un évident plaisir à se lancer dans un jeu de massacre échevelé fortement inspiré par tout ce que le cinéma de série B à Z peut offrir en la matière.
Bref, du plaisir, en attendant de retrouver l’auteur sur des festivals et dans les tables rondes sur le thème « polar et pisciculture ».
Sébastien Gendron, Fin de siècle, Gallimard, Série Noire, 2020. 230 p.
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