Les paupières de Lou, de Pascal Dessaint

Publié le par Yan

Les paupières de Lou« À relire Les Paupières de Lou, je constate que tout ce que j’ai pu écrire par la suite était en germe dans ce roman » écrit Pascal Dessaint dans la préface à cette édition révisée de son premier roman parue douze ans après sa publication initiale.

Il est de fait indéniable que l’on trouve dans cette histoire échevelée, déconcertante, une grande partie des préoccupations qui intéresseront Pascal Dessaint dans ses romans suivants – complexité des liens amicaux et amoureux, écologie, consumérisme – ainsi qu’un style à part laissant la part belle autant à l’introspection des personnages qu’à un humour aussi cynique que loufoque.

Ainsi voit-on ici Julien, qui voudrait devenir écrivain et qui, en attendant l’inspiration corrige des manuscrits, aux prises avec d’étranges personnages qui font irruption dans sa vie. Une mystérieuse et peu farouche photographe, une amputée des deux jambes travaillant à une thèse sur le droit de cuissage en Lauragais, un inconnu qui ne cesse de téléphoner, des ombres dans la rue… Or Julien se préoccupe d’autres choses : de son voisin qui écoute Born in the USA à fond et avec lequel il entretient une relation amour-haine assez intense, de son ami et compagnon de beuverie Cyrille et, bien entendu, de Lou, la fille qu’il aime ou croit aimer et qui vit de ses charmes tout en militant dans un sombre groupuscule à visées révolutionnaires.

À l’image de ce que peut faire Marc Behm dans un roman comme À côté de la plaque , Dessaint plonge le lecteur dans une intrigue où le concept même de réalité prend un coup dans l’aile. Comme Julien coincé entre deux beuveries et quelques nuits sans fermer l’œil, on avance à tâtons dans une histoire dont la loufoquerie dissimule peu la noirceur et dont on peine à saisir la substance. Ce que l’on sait, par contre, c’est que quelque chose d’anormal se passe et que la danger rôde autour d’un Julien dont l’égoïsme ou l’égocentrisme l’empêche de voir ou lui interdit de voir ce qui se déroule sous ses yeux.

Même si, premier roman oblige, Les paupières de Lou, n’est pas exempt de défauts, et en particulier un dénouement un peu vite expédié et quelques longueurs dans les atermoiements du héros, il n’en demeure pas moins que l’on se trouve là face à un livre inventif et burlesque. Une expérience de lecture des plus intéressantes.

Pascal Dessaint, Les paupières de Lou, 1992. Éditions revue et corrigée, Rivages/Noir, 2004.

Du même auteur sur ce blog : Le bal des frelons ; Maintenant le mal est fait ;  Les derniers jours d’un homme ; Le chemin s'arrêtera là ;  

Publié dans Noir français

Commenter cet article