L’homme est un frelon pour l’homme : Le bal des frelons, de Pascal Dessaint
Antonin ne sait pas trop pourquoi, mais il aimerait bien tuer Martine, sa femme. L’ancien gardien de prison trouvera sans doute une raison valable. D’autant plus que son épouse semble avoir des projets similaires à son égard. Michel, le maire magouilleur du village, pourrait-il entrer dans les plans de Martine ? À moins que Coralie, la secrétaire de mairie, vieille fille vierge adepte de films pornographiques, ne s’en mêle ? Et que viennent faire dans tout cela Maxime l’apiculteur, Rémi, qui vit à l’écart avec les deux poules dont il est amoureux et sa femme tout juste extraite de son cercueil, et Loïk et Baptiste, le couple d’anciens taulards accompagnés de Caroline, leur hérisson ? Ce qui est sûr, c’est que Michel, qui dirige la brigade de gendarmerie de ce petit village de l’Ariège, va vivre quelques longues journées.
Adoptant dans chaque chapitre le point de vue de l’un des personnages, et réservant quelques intermèdes animaliers, Pascal Dessaint nous immerge dans cette petite vallée pas si tranquille de l’Ariège où une bonne partie des habitants court après l’argent, le sexe, ou les deux à la fois, tandis que les autres n’aspirent qu’à la tranquillité et à l’oubli.
Minutieusement construit, ce récit qui suit les trajectoires des différents personnages nous mène de surprise en surprise. Comme chez les frelons, ces courses d’apparence anarchique obéissent à un ballet bien rôdé dans lequel chacun à sa place et son objectif. On sent bien d’entrée de jeu que les destins des protagonistes de cette farce cruelle sont scellés et qu’il ne reste au lecteur qu’à compter les points et à voir si ses pronostics sont les bons. À ceci prêt que le chef d’orchestre prend un malin plaisir à nous mener ailleurs, à stopper net ou à infléchir les trajectoires que l’on avait cru deviner.
Sous une plume fluide, Pascal Dessaint nous propose un livre pétri d’humour noir, qui jette un regard crû, voire cruel – et pourtant bienveillant – sur l’humanité et n’est pas sans rappeler par certains aspects les romans de Jim Thompson ou de Charles Williams. Jubilatoire.
Pascal Dessaint, Le bal des frelons, Rivages/Thriller, 2011.
Du même auteur sur ce blog : Les voies perdues ; Maintenant le mal est fait ; Les derniers jours d'un homme ; Les paupières de Lou ; Le chemin s'arrêtera là ;