La loi de l’Ouest, de Sébastien Rutés
Petit, William Larue jouait au cowboy. Maintenant qu’il est grand il continue.
En tant qu’acteur d’abord. Il a tenu le rôle du shérif Peabody dans la série Le Ranch des McRay – que l’on imagine être le produit hexagonal des amours contre nature de Bonanza et Dallas – avant de décrocher enfin le rôle d’Arizona Bill dans La loi de l’Ouest, western français prometteur et novateur (« Personne ne croira que j’ai voulu réaliser à la française si les personnages n’y racontent pas leur vie »).
Comme un grand enfant perdu ensuite. En effet, pendant le tournage, sa femme découvre les incartades de William et le quitte. Le problème, c’est que c’est elle qui l’entretenait. Et William de descendre dans les bas-fonds jusqu’à sa rencontre avec Marie-Hélène, une prostituée béninoise pour laquelle il va devenir Arizona Bill, mais aussi bien d’autres, s’enfermant dans ces rôles qu’il voudrait pouvoir tenir dans la vraie vie. Pour voir le monde autrement et entretenir la magie et l’espoir de pouvoir faire changer les choses comme n’importe quel cowboy solitaire débarquant en ville : « Arizona Bill n’avait plus remis les pieds à Paris depuis l’affaire du parlementaire jeté dans une auge à cochons. Un soir, il entra au crépuscule par la porte de Versailles, conduisant deux mille têtes de bétail. C’était de superbes normandes, qu’il avait accepté de convoyer depuis les plaines de l’Ouest vers le ranch du nouveau propriétaire du troupeau, du côté de la gare Montparnasse ».
Hommage au western, parabole jouant la carte de la critique politique et sociale, La loi de l’Ouest est un roman étrange, une expérience vraiment originale. Comme le rappelle Jean-Hugues Oppel dans sa préface, il fallait oser. On ajoutera qu’oser c’est une chose, mais que réussir en est une autre. Et, en fin de compte, Sébastien Rutés arrive à se sortir de cet exercice de prime abord hasardeux avec brio. Non seulement il délivre un bel hommage bourré de références[1], léger et humoristique, au western, mais y allie aussi une sévère et assez réjouissante farce politique.
Dans un Paris des oubliés, un territoire comanche peuplé de SDF et de sans-papiers, Arizona Bill va affronter le shérif local, un ambitieux ministre de l’intérieur affublé du patronyme de Brice Esterhazy[2], jusqu’au siège de Fort Apache et au duel final.
Mais s’il est court et militant, le roman de Sébastien Rutés ne tombe jamais dans le travers du discours politique lénifiant, du prêt à penser, et égratigne intelligemment, donnant à voir la vraie misère et comment elle peut-être exploitée quand la collusion entre les médias et le pouvoir politique devient si forte. Et puis, aussi, c’est un vraiment bon western.
Sébastien Rutés, La loi de l’Ouest, L’Atinoir, 2009.
Du même auteur sur ce blog : Monarques ; La vespasienne ; Mictlán ; Pas de littérature ! ;
[1] Que l’on se rassure, le non spécialiste passera sans dommage à côté de certaines d’entre-elles particulièrement pointues, mais devrait tout de même pouvoir adhérer avec un minimum de connaissances sur le sujet.
[2] Rappelons pour ceux qui dormaient près du radiateur qu’un Brice a récemment été ministre de l’Intérieur et que Ferdinand Esterhazy, officier d’origine hongroise, est le fameux traître à l’origine de l’affaire Dreyfus.