La fièvre des corps célestes, de Carmen Duca

Publié le par Yan

celestes.jpgDrôle d’expérience que celle des éditions Galimatias. Fondées il y a peu par Carmen Duca et Radu Bata, elles entendent faire connaître en France la littérature roumaine moderne et ont pour l’instant édité deux romans… de Carmen Duca et Radu Batan. Si cela ressemble donc à de l’autoédition, il n’en demeure pas moins que la petite maison a voulu faire les choses au mieux. Pour preuve ce volume édité en « Galimatias noir » – collection dont on peut espérer qu’elle accueillera vite de nouveaux auteurs pour s’étoffer – que Carmen Duca m’a gracieusement envoyé, d’une fort belle composition en ce qui concerne la maquette et la couverture (parce que oui, ça compte aussi).

Mais parlons du livre lui-même. Sur une intrigue très classique, ce polar nous entraîne à la suite d’Amalia Bostan, dite Ami, secrétaire pour une agence de détectives. Une agence tout ce qu’il y a de commun qui fait autant dans la recherche de fugueurs que dans le constat d’adultère, jusqu’au jour où une cliente plutôt vindicative demande à ce que Théo, patron de l’agence, enquête sur la mort mystérieuse de sa sœur, que la police n’a jamais pu élucider. Désireuse de goûter un peu à l’action, Ami profite du fait que l’un des deux patrons associés soit absent pour s’imposer comme assistante dans cette enquête qui ne semble pas préoccuper plus que ça Théo. Elle va finalement réussir à débloquer quelques rouages qui vont les entraîner dans une affaire où se mêlent crimes et forces du hasard ou de la destinée.

On l’a dit, voilà un roman qui, de prime abord, ne va pas entraîner le lecteur de polar bien loin des sentiers battus et, d’ailleurs, l’enquête elle-même, qui semble avancer plus par la grâce d’un rythme qui lui est propre, poussée par les forces du destin, n’est sans doute pas ce qui compte le plus. Certes, elle réserve quelques rebondissements essentiels au maintien d’une certaine forme de tension jusqu’au dernier d’entre eux, particulièrement inattendu. Mais, ce qui semble plus intéresser Carmen Duca, c’est bien le portrait d’Amalia dans laquelle elle se projette vraisemblablement et qui, avec un fatalisme certain qui ne cesse de grandir, se veut autant actrice que spectatrice du déroulement de cette affaire.
L’originalité du roman tient essentiellement, en fin de compte au style d’écriture de Carmen Duca. Chiadé, recherché et doté d’une bonne dose d’autodérision plutôt rafraîchissante, il souffre toutefois de quelques scories qui peuvent s’avérer irritantes pour le lecteur, comme ces incises de dialogues formées selon une structure que l’on qualifiera ici d’ésotérique : « Vous avez rendez-vous ? inaugura Ami le questionnaire d’usage ». Sans doute faut-il y voir une carence au niveau de la relecture.

À ces réserves près (auxquelles le chroniqueur ajoutera – mais ni lui ni l’auteur n’en sont responsables – un côté « girlie » qui le laisse parfois insensible), on dira que La fièvre des corps célestes, sans bouleverser le paysage bien encombré du polar est un roman qui, fondé sur une structure et un rythme classiques, a pour lui une certaine originalité dans le fond et une écriture atypique et plus légère qu’elle ne le paraît à la lecture, un peu déstabilisante, des premières pages. On est curieux en tout cas de voir ce que pourra donner un deuxième roman de cet auteur.

Carmen Duca, La fièvre des corps célestes, Galimatias noir, 2011.

Publié dans Noir français

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G
Neutre, clair et précis, sans être méchant. Je passe mon tour mais j'apprécie ton objectivité.
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Y
<br /> <br /> Merci.<br /> <br /> <br /> <br />