Consulting, de François Thomazeau

Publié le par Yan

consulting.jpgS’il est un monde qui se prête au roman noir, c’est bien celui du travail. Délocalisations sauvages, harcèlement, désespoir, compromissions, trahisons… tous les ingrédients sont réunis, mille fois dits et répétés dans les pages économiques ou les faits-divers de nos journaux qui finissent toujours par nous raconter des histoires inimaginables.
Dans Le couperet, Donald Westlake nous relatait ainsi les aventures d’un chômeur appâtant ses concurrents dans la recherche d’un emploi afin de les éliminer physiquement. Dans Consulting, François Thomazeau envisage que les patrons puissent s’offrir les services d’une boîte de consulting bien particulière chargée d’aider au dégraissage de leurs entreprises pour le plus grand bonheur de leurs actionnaires en les débarrassant des DRH récalcitrants ou des syndicalistes empêcheurs de licencier en rond.
Bien sûr, ce genre de procédure de licenciement radicale a ses détracteurs et, de plus, même les meilleures boîtes de consulting peuvent avoir elles-mêmes à dégraisser leurs effectifs. C’est ainsi qu’Antoine, le consultant à gages, va voir son destin lié à celui de Pascal le syndicaliste au chômage.

La cavale de ces deux personnages que tout semble opposer révèle vite que, s’ils ne partagent pas forcément la même vision de ce que doit être l’entreprise, ils ont au moins en commun une vision particulièrement cynique de cette dernière et de la société dans laquelle elle prospère. Ce cynisme partagé fait de ce roman une œuvre où la critique sociale sans concession frise le nihilisme joyeux. Un humour auquel on peut penser que tout le monde ne sera pas forcément sensible tant sa férocité pourra en empêcher certains de voir au-delà du premier degré.

Pas exempt de défauts, en particulier une tendance à se montrer parfois un peu trop démonstratif et d’autres fois trop elliptique, Consulting a pour lui ce côté baroque des dialogues et des situations dans lesquelles l’auteur se plaît à repousser toujours un peu les limites du mauvais goût. Un mauvais goût qui sied particulièrement à ses personnages pour lesquels il est décidément bien difficile d’éprouver de la sympathie ou même juste de l’empathie (et peut-être est-ce là aussi un aspect qui peut s’avérer rebutant) et que l’on se plaît finalement à voir lancés dans un jeu de faux-semblants dont on se doute qu’il va tourner au jeu de massacre.

Bouquin iconoclaste et plutôt percutant, sans temps mort au long de ses seulement 200 pages, Consulting nous fait méchamment rire. D’un rire un peu jaune parfois.

François Thomazeau, Consulting, Au-delà du raisonnable, 2010.

Publié dans Noir français

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A
J'ai beaucoup aimé aussi..
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Y
<br /> <br /> J'ai cru voir que ce n'était pas le cas de tout le monde. Certaines chroniques sont assez définitives sur la question. Je pense que c'est un livre qui n'est pas dénué de défaut mais qui a pour<br /> lui d'avoir un ton original et un humour grinçant et un peu désabusé qui n'est pas pour me déplaire.<br /> <br /> <br /> <br />