Ce qu’il faut de nuit, de Laurent Petitmangin

Publié le par Yan

Si, comme le dit Robert McLiam Wilson en ouverture d’Eureka Street « Toutes les histoires sont des histoires d’amour », celle-ci l’est peut-être plus encore. C’est l’histoire de trois hommes, le père et ses deux garçons, Fus le footballeur doué et Gillou, plus réservé, admirateur de son grand frère. Il y a aussi une absence, celle de « La moman », terrassée par un cancer au bout de trois années interminables. Alors ces trois-là font front, inséparables, liés par un amour plus fort que tout. Les années passent, les garçons grandissent. Gillou fait son chemin. Le père, cheminot, lui voit un avenir plus beau que le sien, pas forcément ingénieur à la SNCF comme le voulait la moman, mais quelque chose d’ambitieux. Pourquoi pas partir, tenter une prépa, Sciences Po, Paris… Fus, qui a vécu l’agonie de la moman, qui à treize ans servait de mère de substitution, a un chemin plus chaotique. Il a maintenant vingt-quatre ans et commence à fréquenter des camarades propres sur eux mais au discours rance. Ils ne sont pas difficiles à reconnaître pour le père, encarté à gauche dans cette Lorraine industrielle, mais que faire et surtout que dire ?

Les mots, Laurent Petitmangin les pose là. Ce sont ceux du père, à la première personne, sans artifices, qui disent l’incompréhension et l’impuissance. L’incapacité aussi à les dire au fils qui prend le mauvais chemin mais qu’il aime toujours plus que tout. La distance s’installe et, d’une certaine manière, ouvre la voie au drame. S’il n’efface rien, cet amour peut-il au moins permettre que les mots et une certaine forme d’absolution trouvent leur chemin ?

Cette histoire intime et bouleversante, Laurent Petitmangin la dessine sans pathos mais avec une simplicité qui touche au cœur. Derrière elle se matérialisent une région et un pays, une société dont les anciens fondements se délitent et qui se perd parfois. Là encore tout est dit sans discours lénifiants, lorsque derrière les tourments intérieurs du père apparaissent par petites touches l’agonie de la classe ouvrière, la crainte et la fascination d’une capitale inaccessible ou l’espoir d’un avenir meilleur pour Gillou.

Premier roman de Laurent Petitmangin, Ce qu’il faut de nuit est un livre poignant. Une histoire simple, belle et tragique qui en dit beaucoup plus en 188 pages que de bien longues démonstrations.

Laurent Petitmangin, Ce qu’il faut de nuit, La Manufacture de Livre, 2020, 188 p.

Publié dans Noir français

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G
Je ne connaissais pas du tout. Je me le note !
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