Ma ZAD, de Jean-Bernard Pouy

Publié le par Yan

Cela faisait maintenant un petit moment que l’on n’avait pas eu droit à un roman de Jean-Bernard Pouy. Et comme l’auteur a le sens du timing, c’est au moment où est abandonné le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes que paraît Ma ZAD, dont l’intrigue, justement, commence au moment même où est abandonné un projet de plateforme multimodale dans le nord de la France, laissant sur le bord du chemin Camille Destroit, zadiste de circonstances et accessoirement responsable de rayon dans un hypermarché bio.

La quarantaine sonnée, Camille avait trouvé dans la ZAD de Zavenghem un lieu de militance et de solidarité, une manière de, peut-être, faire bouger le vieux monde et aussi de donner un peu plus de sens à sa vie. Le projet abandonné, la ZAD doit être évacuée et les forces de l’ordre n’y vont pas de main morte. Placé en garde à vue, Camille voit à son retour le hangar dans lequel il stocke des objets de récupération incendié. Puis il se fait virer de son travail et proprement rosser par des miliciens locaux qui voient d’un mauvais œil la victoire des zadistes. Derrière tout ça Camille discerne l’ombre de la famille Valter, initiatrice du projet de plateforme multimodale et propriétaire de l’hypermarché dont il s’est fait lourder. Pour le coup, le voilà bien remonté. Par ailleurs, la jeune Claire, venue avec quelques zadistes habiter chez Camille, rajoute un peu d’huile sur le feu en lui fournissant régulièrement des informations sur les Valter. Et Camille de partir dans une équipée vengeresse à la recherche à la fois d’une cause et d’une raison de passer ses nerfs.

Sous la plume de quelqu’un d’autre, on aurait pu craindre avec une telle histoire de se trouver face un pensum altermondialiste cul pincé. Mais comme on est avec Pouy, on s’attend, à raison, à un roman anar rigolo à haute valeur d’exutoire. Et si cela n’enlève rien au sérieux du fond et au regard pas forcément attendri de Jean-Bernard Pouy sur les dérives de l’État avec l’aide active de lobbyistes au service de grands groupes, Ma ZAD se lit assez vite comme le roman d’initiation d’un type en pleine crise de la quarantaine qui redécouvre le monde et lui-même en cramant des maisons. Volontiers contemplatif sans être nombriliste, laissant aussi la place à quelques escapades digressives et à des calembours plus ou moins heureux (le personnage a bon dos), le roman de Pouy apparaît finalement comme une respiration, un petit bol d’air frais qui permet de rigoler un peu de choses sérieuses sans pour autant nier leur sérieux mais sans non plus, et c’est heureux, les sacraliser. Saine colère rigolote, et épopée tragi-comique d’un homme à la recherche d’une cause et d’un peu d’amour, Ma ZAD, avec son côté foutraque, est une bonne surprise de ce début d’année.    

Jean-Bernard Pouy, Ma ZAD, Gallimard, Série Noire, 2018. 194 p.

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Publié dans Noir français

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