Envoyez les couleurs, de Donald Westlake

Publié le par Yan

Dans ce roman de 1969, Donald Westlake met en scène Oliver Abbott, jeune enseignant d’anglais s’apprêtant à prendre son poste dans un collège d’un quartier pauvre du Queens, à New York, dont son père est le directeur. Mais ce que ni Oliver ni son père n’avait prévu, c’est que les autres enseignants, majoritairement noirs, et les élèves bloquent l’établissement pour dénoncer le népotisme d’Abbott sénior et le fait qu’un enseignant noir ait été écarté du poste.

Ce point de départ fait apparaître Oliver Abbott comme un personnage falot incapable de prendre une décision seul et dénué de toute inclinaison à échapper au destin qu’a tracé pour lui son père. Mais la rencontre d’Oliver et de la belle Leona Roof, professeur d’éducation physique noire, vient perturber non seulement les plans du patriarche Abbott, mais aussi ceux de ses opposants. L’histoire d’amour qui nait entre Oliver et Leona va en effet permettre à la fois au jeune homme d’affirmer un caractère bien plus offensif que ce qu’il laissait jusqu’alors transparaitre et semer la zizanie dans un conflit racial dans lequel, de la commission de l’éducation de la ville composée de notables blancs aux associations noires du quartier, chacun jouait jusqu’alors une partition immuable censée déboucher après des négociations sans surprises à un accord final ménageant chacun des deux camps.

Le jeune couple mixte fait ainsi exploser cet équilibre et devient la cible des deux partis. Ainsi Oliver Abbott subira-t-il les agressions des Noirs du quartier et deviendra-t-il par ailleurs la cible de quelques jeunes admirateurs du Ku Klux Klan.

Délaissant le roman noir ou policier stricto sensu, Donald Westlake, avec Envoyez les couleurs, s’offre une petite excursion du côté de la bluette et du roman sociétal. Avec l’humour auquel il nous a habitué et son ironie mordante, il propose un témoignage certes aujourd’hui daté sur les tensions raciales aux États-Unis, y compris loin du Sud profond, à une époque où le combat en faveur des droits civiques n’est pas complètement achevé, mais aussi une réflexion sur la tentation du repli communautaire et l’incapacité à s’ouvrir aux autres qui, quant à eux, ont une valeur universelle et intemporelle. Il n’y a bien sûr dans ce roman rien de révolutionnaire et encore moins une recette pour changer le monde. Il n’en demeure pas moins qu’il peut aujourd’hui encore susciter la réflexion et que, par ailleurs, il constitue une lecture des plus agréables.

 

Donald Westlake, Envoyez les couleurs (Up Your Banners, 1969), Denoël, 1972 (sous le titre Pour une question de peau), Rivages/Thriller, 2009. Rééd. Rivages/Noir, 2014. Traduit par Michel Deutsh ; traduction revue par Christophe Mercier.

 

Du même auteur sur ce blog : Rétrospective Dortmunder ; Rétrospective Parker ; Monstre sacré ; Mémoire morte ; Finie la comédie ; Tous les mayas sont bons ;

Publié dans Noir américain

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Y
Merci Marco pour ces félicitations qui font toujours plaisir, et pour votre suggestion. Je vais m'y mettre dès la prochaine chronique. Quant à ce roman de Westlake, il compte 347 pages.
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M
Félicitations pour la qualité de votre blog que j'ai découvert récemment. Petite suggestion : pourriez-vous préciser le nb de pages des livres que vous présentez (car je ne suis certainement pas le seul à aimer les bons gros romans...) Merci !
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