Monstre sacré : Donald Westlake
Jack Pine est une des grandes stars de Hollywood. Il a mal vieilli. Alcoolique et drogué, il vit reclus dans sa luxueuse propriété de Bel Air entouré de son majordome et de son meilleur ami, Buddy Pal.
C’est après une soirée particulièrement arrosée que l’on retrouve Jack Pine au bord de sa piscine, interviewé par Michael O’Connor, journaliste du magazine People. Entre deux pertes de conscience, Jack a bien du mal à suivre le fil de sa propre conversation. Mais cela ne l’empêche pas de raconter son irrésistible ascension, du moment où il a perdu sa virginité jusqu’à la remise de son Oscar.
Ce récit, basé sur des allers-retours entre le présent et le passé devrait nous éclairer… mais en fin de compte, on finit surtout par se demander qui sont vraiment Jack Pine, Buddy Pal et Michael O’Connor.
Publié aux États-Unis en 1989, Monstre sacré n’avait, étonnamment, pas encore été traduit en France. Si ce n’est sans doute pas le meilleur Westlake, c’est tout de même un roman très honorable, dans la lignée du Contrat. Comme dans ce livre, Westlake arrive à instiller une part de mystère dans son récit et laisse planer au-dessus de son personnage – et du lecteur – un sentiment d’inquiétude diffuse quant à l’histoire de Jack Pine. On attend à chaque chapitre de flashback un indice – faute d’une révélation – qui nous aidera à comprendre le mécanisme immuable dans lequel Jack est entré et qui déterminera son destin.
Pour autant, le récit ne s’enfonce pas dans la noirceur et Westlake nous fait profiter de son sens inné de la comédie à travers des vignettes irrésistibles : l’arrivée à Hollywood des parents de Jack, la remise de l’Oscar ou encore les séances de sport... Que l’on en juge ici :
« La jeune fille nue riait, elle courait, traversait le patio, dépassait la piscine, contournait l’angle de la roseraie et s’élançait sur la pelouse ondulée. Jack la pourchassait, nu, le souffle court, le rictus aux lèvres, il tombait sur les genoux de temps à autre, s’efforçait de se relever, de repartir pesamment à la poursuite de ce derrière rond et musclé.
La jeune fille avait reçu pour instruction de s’assurer que Jack fasse de l’exercice, elle s’y employait ».
Lui-même monstre sacré du polar, Donald Westlake nous propose une fois de plus un moment de plaisir. Profitons-en car il ne reste plus beaucoup de ses romans à traduire en France. Mais on peut tout de même se réjouir de ce que Rivages a entrepris de rééditer, dans une traduction revue et complétée, les romans hilarants ayant pour héros John Dortmunder parus initialement à la Série Noire. Le dernier en date, Comment voler une banque, est un des meilleurs. L’ami Jean-Marc en parle très bien ici.
Donald Westlake, Monstre Sacré, Rivages/Thriller, 2011. Traduit par Pierre Bondil.
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