Agent 6, de Tom Rob Smith
1965. En pleine Détente, l’URSS et les États-Unis entendent envoyer au monde l’image d’un semblant d’apaisement des relations entre les deux blocs. C’est pourquoi un concert réunissant étudiants russes et américains est organisé au siège de l’ONU à New York. Toutefois, cet événement pacifique est tragiquement marqué par le meurtre de Jesse Austin, chanteur noir américain et militant communiste, dont est accusée l’accompagnatrice de la délégation soviétique, Raïssa Demidova, elle-même abattue quelques heures plus tard. Persuadé de l’innocence de sa femme, Leo Demidov, ex-agent du KGB n’a dès lors plus de cesse que de mettre la main sur les organisateurs de ce complot. Mais, coincé en URSS puis envoyé en Afghanistan, il va devoir, plus de quinzaine années durant, ronger son frein en attendant l’occasion de rejoindre les États-Unis pour retrouver ceux qui ont tué sa femme.
Depuis les parutions d’Enfant 44 et de Kolyma, les commentaires louangeurs à l’égard d’un Tom Rob Smith présenté comme un nouveau prodige du thriller sur fond d’espionnage et d’oppression stalinienne se sont succédés et l’on était curieux de voir ce que cela pouvait donner. Reprenant les personnages principaux de ses deux précédents romans, Smith livre une histoire qui se veut à la fois édifiante (à propos du cynisme des services secrets), instructive (sur le communisme aux États-Unis ou la manière dont les Soviétiques se sont embourbés en Afghanistan et dont les Américains ont hésité à s’impliquer dans ce conflit) et bien entendu haletante et romantique. Cela fait beaucoup et, du coup, le roman suscite une attente importante chez le lecteur. Et il déçoit.
Certes Tom Rob Smith connait la mécanique du suspense et sait enchaîner les courts chapitres qui s’achèvent sur une situation d’attente et font que l’on tourne les pages. Malheureusement, servi par une écriture qui sans être désagréable se révèle assez plate, Agent 6 peine à passionner. D’autant qu’il souffre d’autres défauts encore plus lassants : un didactisme (l’auteur ou son documentaliste à fait un gros travail de recherches entend bien le montrer) pesant, des bons sentiments suintants qui finissent pas agacer et un dénouement qui réussit à être à la fois totalement dénué de surprise et décevant en soi. Comme si, en fait, Tom Rob Smith n’avait mis en place son intrigue initiale que pour pouvoir à un moment projeter son héros en Afghanistan – incontestablement la partie du livre la plus réussie – et n’avait pas vraiment su comment la conclure après s’être offert le plaisir de cette balade de Kaboul aux zones tribales pakistanaises.
On est bien loin du talent d’un Le Carré, d’un Littell ou d’un Porter et on ne peut finalement que conseiller au lecteur désireux de s’offrir un bon roman d’espionnage de se tourner plutôt vers ces trois là.
Tom Rob Smith, Agent 6 (Agent 6, 2011), Belfond, 2013. Traduit par France Camus-Pichon.