Tout piller, tout brûler, de Wells Tower

Publié le par Yan

Wells Tower sera-t-il de ces étoiles filantes qui inondent furtivement la littérature de leur éclat avant de disparaître ? On se le demande et on n’espère que ce n’est pas le cas. Paru en France en 2010 en même temps qu’était annoncé un roman à venir qui n’a apparemment pas vu le jour, Tout piller, tout brûler est en tout cas un recueil de nouvelles incandescent.

Les neuf histoires réunies ici allient verve, cruauté et désespoir. Elles mettent en scène des hommes perdus dont les espoirs, aussi ordinaires soient-ils, viennent se briser sur un quotidien qui ne laisse pas de place au rêve, des enfants et des adolescents auxquels les faces les plus sordides de la vie se révèlent. Tout le propos de Wells Tower pourrait en fait tenir dans la nouvelle qui inaugure ce recueil, La côte de brun, dans laquelle un homme seul et désargenté chargé d’effectuer des réparations dans une maison secondaire en ruine située sur un îlot décide de réunir dans un aquarium les poissons qu’il attrape sur un récif. Occupé à créer ainsi un monde plus beau que le sien, il devra néanmoins en comprendre douloureusement la précarité.

Ainsi va le monde que Wells Tower décrit ici avec son écriture sans fioritures, presque clinique parfois. Il y ajoute un art consommé de la fin suspendue dans l’attente d’une hypothétique chute au sens propre comme au figuré ou, au contraire, de la fin brutale. Une incertitude constante qui lui permet de placer son lecteur dans le même inconfort que ses personnages face à une vie que l’on ne peut programmer, à des sentiments qui ne se commandent pas, à des pulsions que l’on peut juguler ou pas.

Un recueil de nouvelles aussi âpre que beau.

Wells Tower, Tout piller, tout brûler (Everything Ravaged, Everything Burned, 2009), Albin Michel, coll. Terres d’Amérique, 2010. Traduit par Michel Lederer. 240 p.

 

Publié dans Noir américain

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