Vostok, de Jean-Hugues Oppel
Après plusieurs années de silence littéraire, Vostok signe le retour de Jean-Hugues Oppel qui, il faut bien le dire, commençait un peu à nous manquer. Retour gagnant ?
Vostok, c’est l’histoire de Tanya Lawrence, chargée de mission pour une des multiples agences de l’ONU dépêchée quelque part sur la côte sud-ouest de l’Afrique, dans une région aride, battue par un soleil brûlant mais qui recèle d’abondantes ressources de terres rares, ces terres recelant des minerais et métaux devenus stratégiques car ils entrent dans la compositions de nos ordinateurs, téléphones, scanners ou, bien entendu, système de guidages de missiles et autres armements. Et la présence de Tanya semble quelque peu gêner la direction de Métal-IK, la société qui exploite ces mines africaines avec, on s’en doute, un sens très particulier de ce que doivent être les relations entre employeurs et employés et entre riches civilisés expatriés et sauvages locaux.
Voilà le genre de résumé qui semble annoncer un véritable festival d’enfonçage de portes ouvertes : les instances internationales impuissantes, les capitalistes sans foi ni loi qui exploitent jusqu’à la moelle un pays sous-développés, les habitants animistes qui ont su préserver une vraie sagesse ancestrale… de quoi s’agacer assez vite devant une avalanche de clichés. Mais Jean-Hugues Oppel est plus malin que ça. Certes, il nous parle de tout cela et d’autres choses encore mais laisse la priorité à la création d’une ambiance bien particulière. Le monde étouffant qu’il décrit, contrastant avec l’intérieur climatisé du complexe baptisé non sans ironie la Colonie, n’est pas sans rappeler quelque récit de science-fiction mettant en scène la colonisation d’une lointaine planète. Le climat est lourd d’une menace invisible peut-être bien pire – ou plus acceptable, allez savoir – que celle que fait peser Métal-IK sur la population locale. Tout cela, Oppel le manie avec dextérité et humour, tout comme les clichés qu’il utilise à foison, à commencer par le duo Tanya – Tony le guide dur au cœur pur, fils putatif d’Indiana Jones et de Rambo. De la même manière, on se plaît à retrouver l’Oppel cinéphile et ses références disséminés ici où là avec une discrétion de bon aloi.
On l’aura compris, voilà un roman qui se laisse lire avec plaisir, rondement mené, qui pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses, véritablement divertissant. Alors, certes, ça n’est pas le grand roman d’Oppel plutôt une échappée mineure à l’intrigue convenue mais agréable dont on espère qu’elle a relancé le mécanisme d’écriture chez l’auteur et qu’on le retrouvera bientôt.
On peut se faire une autre idée en faisant un saut chez les copains : Julien Védrenne, pour K-Libre, et Jean-Marc ont apprécié, Yossarian un peu moins.
Jean-Hugues Oppel, Vostok, Rivages/Noir, 2013.
Du même auteur sur ce blog : La déposition du tireur caché ; 19500 dollars la tonne ;