Trouver une victime, de Ross Macdonald
Le travail continue pour les éditions Gallmeister et le traducteur Jacques Mailhos embarqués dans la nouvelle édition des dix-huit enquêtes de Lew Archer.
Cinquième roman de la série, Trouver une victime propulse le détective privé dans une bourgade de Californie du Sud, Las Cruces, où, alors qu’il ne fait que passer, Archer trouve sur le bord de la route un homme blessé par balle qui ne tarde pas à passer l’arme à gauche. Coincé là pour les besoins de l’enquête, Lew Archer découvre que la victime, Tony Aquista, était chauffeur de camion pour Meyer, un notable local, et qu’il s’est fait dérober un chargement d’alcool. C’est donc naturellement que le détective propose à Meyer ses services pour retrouver la cargaison et, accessoirement, la fille de l’entrepreneur qui semble s’être volatilisée au même moment.
Comme de coutume, Archer se trouve donc obligé de mettre son nez dans une affaire qui, si elle tient du crime crapuleux, est aussi une affaire de famille. Et, comme toujours, il va peu à peu mettre au jour quelques secrets enfouis et des situations extrêmement ambigües dont le titre du roman se fait l’écho. Car, en effet, chaque avancée de Lew Archer dans son enquête le mène à découvrir un nouveau coupable putatif en même temps que des victimes possibles.
Rien n’est simple chez Ross Macdonald et, plus encore dans cet épisode que dans les précédents, l’auteur se plaît à montrer la duplicité des personnages ; Lew Archer étant le révélateur de ce qui peut se cacher sous le vernis des apparences au sein de la communauté de la cité et plus encore dans la cellule familiale, les deux étant, dans la petite ville de Las Cruces, de toute façon étroitement liées.
Faussement amoral mais éminemment vertueux sous ses airs de dur cynique et détaché (« Je trouvai un médecin et me fis faire huit points de sutures à la tête. Le médecin sembla trouver la chose parfaitement naturelle et ne me demanda rien, sinon 25 dollars en liquide une fois qu’il eut fini. C’était ce genre de médecin, ou j’étais ce genre de patient. ») Archer trouve dans cette enquête de quoi alimenter son scepticisme vis-à-vis de la nature humaine. Une nature qui, si elle ne le surprend plus vraiment, réussira en l’occurrence à le déstabiliser quelque peu.
Complexe, tissé autour d’un réseau de vraies-fausses pistes, Trouver une victime se révèle être un roman prenant qui nécessite néanmoins une bonne dose de concentration et, surtout, jusqu’ici un des tous meilleurs épisodes de cette série de grande qualité.
Ross Macdonald, Trouver une victime (Find a Victim, 1954), Gallmeister, coll. Totem, 2014. Traduit par Jacques Mailhos.
Du même auteur sur ce blog : Cible mouvante ; Noyade en eau douce ; À chacun sa mort ; Le sourire d’ivoire.