À chacun sa mort, de Ross Macdonald
Troisième volet des enquêtes du privé Lew Archer, À chacun sa mort fait provisoirement quitter au héros de Ross Macdonald les sphères de la haute société californienne sans pour autant l’extraire des affaires liées à des relations familiales perturbées.
Engagé par une veuve sans le sou dont la fille, Galatea, infirmière de son état et particulièrement séduisante, a disparue depuis plusieurs semaines, Archer se trouve entraîné dans une affaires qui voit s’accumuler meurtres et manipulations des quartiers résidentiels en déshérence de Santa Monica aux bouges de San Francisco en passant par les luxueuses villas de Palm Springs.
Séduit par la beauté de la jeune fille à la recherche de laquelle il se lance autant que par la glorieuse incertitude de l’enquête (« J’éprouvais cette espèce d’excitation plus visionnaire que divinatoire qui vous transporte lorsque tout peut arriver, et arrivera sans doute. ») Archer se lance don de nouveau tête baissée dans une affaire dans laquelle il pourrait laisser quelques plumes.
Détective aux méthodes parfois abruptes voire expéditives mais d’une grande rectitude morale, Lew Archer démêle ici patiemment, et en y laissant comme toujours quelques plumes, un écheveau diaboliquement agencé. Sautant d’un cadavre à l’autre, d’une fausse identité à une autre, écumant la Californie du sud au nord et du nord au sud dans une course qui semble ne jamais vouloir finir, Archer est entrainé dans une course d’autant plus captivante que Ross Macdonald s’ingénie à maintenir une tension constante agrémentée de scènes et de dialogues percutants tout en parsemant le parcours de son héros, comme d’habitude, de fausses pistes et de faux semblants.
Car c’est bien là ce qui transparaît au bout de trois volumes : la vision d’une société gangrénée par la recherche de la gloire et de l’argent où personne n’est jamais vraiment ce qu’il paraît être, à commencer par ce héros qui offre à l’extérieur l’image d’un détective aisément corruptible, semblable par bien des aspects à ceux qu’il traque, mais qui se révèle à la fois moins naïf et moins corrompu que ceux sur lesquels il enquête ou pour lesquels il travaille.
Si la forme obéit aux canons du genre, Ross Macdonald ajoute à cela un fond sociologique et psychanalytique bien discernable sans pour autant qu’il phagocyte le rythme de l’intrigue. Jamais pompeux, alternant avec aisance les métaphores et comparaisons bien senties qui révèlent au lecteur la face cachée de cette société californienne dissolue, il livre un polar incisif auquel la nouvelle traduction effectuée par Jacques Mailhos rend non seulement toute sa complexité mais aussi toute sa modernité.
Ross Macdonald, À chacun sa mort (The Way Some People Die, 1951), Gallmeister, coll. Totem, 2013. Traduit par Jacques Mailhos.
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