Le sourire d’ivoire, Ross Macdonald
Le détective Lew Archer est contacté par une femme aussi mystérieuse que désagréable pour se mettre à la recherche d’une jeune fille noire, Lucy, que sa cliente accuse de lui avoir dérobé des objets de valeurs. Mais s’il retrouve Lucy à Bella City, dans l’arrière-pays, celle-ci est néanmoins rapidement tuée et les suspects s’accumulent. Archer, curieux et déterminé à faire la lumière sur la sale affaire dans laquelle il se trouve embarqué, va avoir fort à faire pour démêler le vrai du faux.
Dans ce quatrième volet édité dans une nouvelle traduction des enquêtes de Lew Archer, Ross Macdonald continue sa radioscopie de la société californienne de son temps. Délaissant les villas du bord du Pacifique ou les propriétés de Palm Springs au profit d’une petite bourgade de la Vallée, il met son héros en contact avec un autre monde ; celui des petits notables et de ceux, noirs ou latinos qui travaillent pour eux et sont les suspects habituels dès lors qu’a lieu un crime ou un délit.
Mais si ce monde est différent de celui qu’il fréquente habituellement lors de ses enquêtes, Lew Archer y trouve les mêmes éternelles motivations criminelles : sexe et argent n’ont pas moins d’importance ici que dans les villas de Beverly Hills et les motifs psychanalytiques continuent d’imprégner l’œuvre de Ross Macdonald.
Lew Archer se trouve ainsi confronté ici à de drôles de frères et sœurs, a un inquiétant cabinet de médecin et à la non moins inquiétante jeune épouse du docteur, à une jeune fille désespérée par la disparition de l’homme qu’elle aime, à un jeune noir qui semble tout faire pour apparaître comme le suspect idéal… de quoi former un imbroglio de taille dans lequel il s’échine à mettre de l’ordre avec cette ténacité et cette forme de cynisme qui sont sa marque de fabrique.
Digne successeur de Spade et Marlowe, Archer nous invite une fois encore dans une Californie oubliée avec femmes fatales, shérif un peu bas du front, petits bourgeois médiocres, gangsters du Nord se mettant au vert et répliques cinglantes :
« -Dites-moi, est-ce qu’il vous arrive souvent de trancher la gorge de vos clients ? J’ai eu quelques expériences décourageantes.
-Avec des détectives ?
-Avec des êtres humains. Les détectives sont des êtres humains.
-Vous débordez de compliments ce matin, madame… »
Avec son charme un peu suranné mais surtout une construction d’intrigue intelligente et au cordeau au service d’un portrait vitriolé de la société de son époque mais surtout des êtres humains en général, ce Sourire d’ivoire, comme les volumes précédents des enquêtes de Lew Archer se révèle séduisant. À lire comme on regarde un vieux film noir.
Ross Macdonald, Le sourire d'ivoire (The Ivory Grin, 1952), Gallmeister, coll. Totem, 2013. Traduit par Jacques Mailhos.
Du même auteur sur ce blog : Cible mouvante ; Noyade en eau douce ; À chacun sa mort ; Trouver une victime ;